Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 194

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LES MÉTACONCEPTS

nouvelles règles constitutives conférant au pouvoir centralisé (qu'il ait le
même titulaire ou qu'il ait changé, comme dans le cas de l'Angleterre avec
le rôle croissant du Parlement après la Glorieuse Révolution) le contrôle
des règles secondaires à travers la législation : désormais seules peuvent
être reconnues, changées et appliquées par des jugements des normes
juridiques intégrées ou subordonnés à la législation étatique, une législation plus complète, mieux connue, et s'imposant à tous les sujets dans
les limites d'un territoire déterminé (ce qui correspond à notre notion de
« lois d'ordre public » qui est déjà présente chez vattel46). Le changement
de règles constitutives, dans le passage de l'État médiéval à l'État moderne,
pourrait être qualifié de bouleversement profond du contenu des règles
secondaires, voire de « révolution juridique »47. Cette révolution juridique
pourrait intervenir en liaison avec une révolution politique ou dans le
maintien des structures politiques préexistantes. Elle pourrait s'étaler dans
le temps sur quelques générations, sans être nécessairement brutale. Elle
serait liée dans certains cas à l'expansion coloniale et dans d'autres cas à des
formes d'expansion territoriale. Ainsi s'expliqueraient des traits communs
et des différences entre des États modernes comme la France, l'Angleterre,
l'Espagne, l'Empire ottoman, la Prusse, l'Autriche ou la Russie, voire la
Chine des qing.
Il faut envisager, pour terminer, quelques conséquences de ce schéma
théorique, présenté encore une fois à titre d'hypothèse à partir de la
notion de règles constitutives. À nouveau, nous redisons qu'il s'agit d'une
construction intellectuelle, d'un idéal-type élaboré indépendamment des
représentations que les contemporains pouvaient se faire de leur ordre
juridique. Ce recours à des méta-concepts d'aujourd'hui n'empêche pas,
bien au contraire, de relever par exemple la perception que pouvaient avoir
Bodin, les théoriciens de la monarchie absolue, Hobbes, les professeurs de
droit français (quand ils décrivaient les sources de ce droit) ou Blackstone
de ce que nous appelons un changement de règles constitutives.
En second lieu, le recours au modèle des règles constitutives, qui
cherche à identifier des critères juridiques de l'État moderne, n'est pas
en contradiction avec une démarche socio-politique qui met en valeur les
développements « factuels », notamment en termes d'appareil bureaucratique, fiscal et militaire, de cet État moderne. C'est la situation inverse,
d'apparente déconnexion entre le concept juridique et le concept sociologique de l'État comme il semble au premier abord pour les Pays-Bas,
qui serait étonnante et appellerait à abandonner cette hypothèse. Plus
46. E. de Vattel, Le droit des gens ou principes de la loi naturelle, Neuchâtel, Société
typographique, 1773, vol. II, p. 268.
47. J.-L. Halpérin, Five legal revolutions since the 17th century. An Analysis of Global
Legal History, Heidelberg-New York-Dordrecht-London, Springer, 2014.

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