Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 205

LA CONTROvERSE ENTRE MICHEL TROPER...

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ce sens qu'elle ne dépend ni du moment où ils ont été créés, ni des idées
et des croyances des acteurs du système juridique qu'ils permettent de
décrire »17.
Autrement dit, les concepts sont enracinés dans une histoire, à rebours
des métaconcepts qui sont « intemporels », donc proprement « anhistoriques ». Et cela n'est pas contradictoire avec l'affirmation selon laquelle les
concepts n'ont pas d'histoire, car l'histoire des concepts « n'est une histoire
que dans la mesure où elle les comprend par le contexte historique dans
lequel ils opèrent »18. Les concepts n'ont pas d'histoire, mais ils sont dans
l'histoire : leur intelligibilité est intimement liée à un « contexte historique ».
Dès lors, ils ne peuvent être dits « anhistoriques », seuls les métaconcepts
le sont. L'expression « dans l'histoire » se trouve déjà dans le colloque de
Cergy : l'histoire des concepts « vise plutôt à étudier les concepts dans l'histoire, c'est-à-dire à chercher à comprendre leurs particularités à un moment
et dans contexte donnés »19. Puisque les métaconcepts sont éternels, ils ne
sont pas corrompus par l'écoulement du temps, l'anachronisme devient
toujours péjoratif, celui des faits bien sûr mais aussi celui des concepts qui
sont enracinés dans une société donnée et qui ne sauraient jamais être transposés ailleurs sans le secours d'un « méta » qui les arrache à la corruption
du temps.
Le métaconcept est donc une réponse tardive de Troper à Furet :
celui-ci se contente de manier des concepts20. Ainsi, le veto royal ne peut
se comprendre qu'en recourant à un métaconcept qui est la théorie de
l'acte juridique postérieure à la Révolution : sinon on en reste aux intentions, avouées et inavouées, sincères ou pas, des acteurs. On tient là une
nouvelle orientation de la pensée, si riche et si féconde, de Michel Troper.
La théorie réaliste de l'interprétation a d'abord été complétée par la théorie
des contraintes. À l'heure actuelle, Michel Troper est hanté par l'utilisation
des concepts et des métaconcepts en histoire. La conférence d'aujourd'hui
le prouve ô combien. C'est une sorte de retour aux sources, c'est-à-dire à
sa célèbre thèse de doctorat La séparation des pouvoirs et l'histoire constitutionnelle française.
17. M. Troper, « L'histoire du droit et la théorie générale du droit », loc. cit., p. 387-388
et 392-394. La dernière formule se trouve déjà dans « Les concepts de l'histoire constitutionnelle », loc. cit., p. 88.
18. M. Troper, « L'histoire du droit et la théorie générale du droit », loc. cit., p. 389. Le
propos figurait dans « L'histoire du droit et la théorie générale du droit », loc. cit., p. 84-84
et dans « Les concepts juridiques et l'histoire », loc. cit., p. 839.
19. M. Troper, « Les concepts de l'histoire constitutionnelle », loc. cit., p. 85 ; « L'histoire
du droit et la théorie générale du droit », loc. cit., p. 391.
20. Le colloque de Cergy désigne « les historiens » (« Les concepts de l'histoire constitutionnelle », loc. cit., p. 91), tandis que les Mélanges Darcy précisent « comme François
Furet » (« Les concepts juridiques et l'histoire », loc. cit., p. 845).

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