Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 42

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LA NOTION D'ORDRE JURIDIqUE

- est employé au début du vie siècle, par le pseudo-Eusèbe d'Alexandrie45
pour parler de la règle monastique. Mais cette acception vaguement normativiste de la notion d'ordre n'a rien à voir avec l'idée médiévale d'ordre
monastique. Michaud-quantin souligne bien un glissement de la notion
d'ordre pour désigner ces congrégations. Analogiquement, en raison du
précédent d'ordo clericalis héritier des conceptions romaines, on appliquera
la notion d'ordre à ces universitates de religieux soumis à une même règle,
à un même supérieur et partageant un même statut. L'emploi du terme
ordo pour catégoriser les personnes en fonction de leur statut s'est en effet
retrouvé dans la langue de l'Église. Jean Cassien († ca. 435) distinguera par
exemple entre l'ordre des cénobites et l'ordre des anachorètes46. Michaudquantin a très bien illustré comment, surtout aux alentours de l'an mil, le
terme ordo en vient à désigner les grandes congrégations monastiques se
constituant à la faveur de la Réforme grégorienne47.
Significativement, le substantif latin « ordo » vient du verbe « ordi or »48,
c'est-à-dire « ourdir, faire une trame », et au sens large, « commencer ».
Ordo désigne d'abord « le rang, la rangée, la ligne »49, et notamment celle des
soldats. Comme cette position occupée dans le dispositif militaire romain
est censée être en rapport avec sa capacité fiscale et donc de sa classe, il n'y a
rien d'étonnant à parler d'ordre équestre ou d'ordre sénatorial, et enfin, par
extension d'ordre des décurions. Les occurrences du terme « ordo » parmi
les fragments et constitutions du Corpus juris traduisent bien cette idée.
Le Codex legum comporte deux titres, de ordine judiciorum (C. 3. 8) et de
ordine cognitionum (C. 7. 19), qui touchent évidemment au domaine de la
procédure. Il s'agit ici de décrire l'enchaînement des étapes de la procédure
pour parvenir à la décision du judex. La notion d'ordo n'est pas confinée
dans le domaine procédural. Fidèle à l'étymologie du terme, le droit romain
45. Pseudo-Eusèbe d'Alexandrie, Sermones, sermo XXII, 7, in Patrologia Greca, t. 86/1,
col. 460c : « τὴν τάξιν τῆς ἀποταγῆς - l'''ordre'' du renoncement au monde ». voir Cosmas
Indicopleustès, Topographie chrétienne, II, 2, W. Wolska-Conus (éd. et trad.), Paris, Le
Cerf, 1968-1973, coll. « Sources chrétiennes », 141, p. 307, signalé aussi par G. W. H. Lampe
(dir.), A Patristic Greek Lexikon, Oxford, Clarendon Press, 1964, p. 1373 ; Κοσμᾶς
Ἰνδικοπλεύστης utilise l'expression de « τάξιν ἀβραμιαίαν πληρῶν » (traduite étrangement
par W. Wolska-Conus par « accomplir la mission d'Abraham »).
46. J. Cassien, Institutions cénobitiques, V, 35, 1, J.-C. Guy, Paris (éd.), Le Cerf, 2001,
coll. « Sources chrétiennes », 109, p. 246, l. 1-8 : « Itaque cum des Palæstinæ monasteriis ad
oppidum Ægypti, quod Dioclos appelatur, rudes admodum venissemus ibique plurimam
turbam coenobii disciplina constrictam et optimo ordine monachorum, qui etiam primus
est, institutam mirifice videremus, alium quoque ordinem, qui excellentior habetur, id est
anachoretarum, cunctorum præconiis instigari sagacissimo corde videre properavimus ».
47. P. Michaud-Quantin, Universitas..., op. cit., p. 100-104.
48. voir A. Walde, Lateinisches etymologisches wörterbuch, Heidelberg, 1910, p. 546.
49. F. Gaffiot, Dictionnaire Latin-Français, vis « ordior, » « ordo, », G. Gréco (éd.),
Paris, 2006, p. 945.
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