Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 68

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L'ORDRE JURIDIqUE INTERNATIONAL

par la décrétale Quoniam constitutio (X, 1, 2, 13), par laquelle Grégoire IX
dispose que « la constitution du Siège apostolique oblige tout un chacun
(omnes adstringit) ». Ce texte prend place dans le titre De constitutionibus,
consacré explicitement au pouvoir législatif, ce qui en fortifie l'autorité. La
glose descend au niveau judiciaire, et ajoute : « Idem est in sententia Papae
quia sicut ipse iudicat, alii iudicare debent »9.
En vue d'assurer une certaine hiérarchie des normes, il faut vérifier que la
norme inférieure respecte la norme supérieure. Là encore, plusieurs décrétales corroborent cette technique. Le droit particulier (lois particulières,
privilèges, statuts, coutumes) ne peut exister qu'en conformité avec le droit
commun, ou par dérogation admise, au moins tacitement, par l'autorité
en charge du droit commun10. La décrétale Qua fronte d'Alexandre III
(X, 2, 28, 25), condamne l'administration fautive d'un évêque au regard
du droit pontifical. Ce dernier (l'archevêque de Cantorbéry) s'est vu
reprocher de « pervertir l'ordre du droit [ordinem iuris pervertere] ». De la
même manière, un rescrit ne doit pas s'écarter du droit commun, et le pape
intime à ses subordonnés « d'agir selon les canons [canonice procedatis] »
(Causam X, 1, 3, 18). Le sommaire de la décrétale est encore plus explicite :
« Ordo rescripti interpretationem recipit a iure communi ». La décrétale
Quum dilecta (X, 1, 3, 22), elle aussi d'Innocent III, vise à ce que l'attribution de fonctions administratives et l'instruction d'une affaire judiciaire
se fassent selon « l'ordre du droit » (iuris ordinem). La glose détaille cet
ordre, plus large que le simple ordo iudiciarium : il est double, concernant
le droit substantiel et le droit formel. De la sorte, le pape a eu raison de
casser un acte « ne respectant ni la forme du rescrit, ni l'ordre du droit dans
les autres articles »11.
quant à l'interprétation authentique, elle est dévolue au pontife romain,
ou à ses organes administratifs ou judiciaires, qui ne sont que des démembrements de sa personne. Elle n'appartient qu'à celui qui pose le droit12.
Elle n'est pas laissée à l'appréciation des juristes, comme le rappelle la
décrétale Ne innitaris (X, 1, 2, 5), résumée en une seule phrase : « Les constitutions sont préférables aux opinions ». Pie Iv, confirmant le concile de
Trente ira plus loin, en faisant à quiconque « défenses expresses [...] de faire
9. Gl. sur Adstringit, éd. Lyon, 1613, col. 29.
10. « Le droit particulier n'existe plus guère en tant que tel que pour assurer l'application
ou pour compléter les dispositions trop générales du droit commun », Ch. Lefebvre, L'âge
classique 1140-1378, op. cit., p. 187.
11. Gl. sur Iuris ordinem, éd. Lyon, 1613, col. 57. En un autre passage, elle précise cette
double faute : « sic in duobus peccaverunt, quia contra formam sibi datam & contra ordinem
iudiciarium ».
12. Gl. sur Interpretatione (Ex parte, X, 5, 40, 31), éd. Lyon, 1613, col. 1959 : « ille enim
potest interpretari, qui ius constituit ».
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