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LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME DANS L'UNION EUROPÉENNE

Ensuite, le contrôle de la Cour de justice ne peut être limité au strict minimum.
Le Conseil, la Commission et plusieurs États membres ont plaidé pour un
contrôle juridictionnel limité des mesures restrictives aux libertés dans le cadre
de la lutte contre le terrorisme. Face au terrorisme, ils estimaient que la Cour
devait leur laisser une grande liberté quant au choix des mesures appropriées de
lutte contre le terrorisme, en optant dans ces circonstances pour un régime
spécifique, dérogatoire, de contrôle restreint du respect des libertés. L'avocat
général Y. Bot avait proposé à la Cour d'exercer un contrôle normal sur la légalité externe de tels actes et un contrôle restreint sur leur légalité interne se limitant au contrôle de l'erreur manifeste (Kadi 2, conclusion AG, pt 95 et s.).
Cette proposition ne fut pas retenue par la Cour. Tout en jugeant indispensable
qu'un contrôle juridictionnel puisse « garantir un juste équilibre entre la préservation de la paix et de la sécurité internationales et la protection des libertés et
des droits fondamentaux » (Kadi 2, pt 131), la Cour s'est livrée à un contrôle
entier, y compris des éléments de fait et de droit ainsi que l'appréciation juridique des faits (Kadi 2, spéc. pt 117-131).
Dans l'affaire Digital Rights Ireland Ltd, tout en rappelant que la lutte contre le
terrorisme « constitue un objectif d'intérêt général » (pt 42)36, elle n'en a pas moins
jugé que « l'étendue du pouvoir d'appréciation du législateur de l'Union peut s'avérer limitée en fonction d'un certain nombre d'éléments, parmi lesquels figurent,
notamment, le domaine concerné, la nature du droit en cause garanti par la Charte,
la nature et la gravité de l'ingérence ainsi que la finalité de celle-ci » (pt 47), et qu'en
l'espèce (le stockage de données personnelles à grande échelle pour lutter contre le
terrorisme), « le pouvoir d'appréciation du législateur de l'Union s'avère réduit de
sorte qu'il convient de procéder à un contrôle strict » (pt 48)37.
Elle a de même jugé que, vu les conséquences considérables des mesures restrictives anti-terroristes sur les droits et libertés, une personne inscrite sur une
blacklist bien que radiée ultérieurement de cette liste conserve néanmoins son
intérêt à agir pour demander l'annulation de l'acte en question, car « si la reconnaissance de l'illégalité de l'acte attaqué ne peut, en tant que telle, réparer un
préjudice matériel ou une atteinte à la vie privée, elle est néanmoins de nature (à)
réhabiliter ou à constituer une forme de réparation du préjudice moral (...) subi
du fait de cette illégalité »38.
La jurisprudence de la Cour de Luxembourg semble ainsi plus protectrice que
celle de la Cour de Strasbourg. En effet, dans de telles circonstances, la Cour
européenne des droits de l'homme accorde une large marge d'appréciation aux
États dans le choix de mesures restrictives, se réservant certes le droit d'examiner
leur nécessité et proportionnalité, mais tout en semblant se cantonner dans le
contrôle de l'erreur manifeste39.
36. Dans le même sens, v. Kadi 1, pt 363.
37. CJUE, gde ch., 8 avr. 2014, Digital Rights Ireland Ltd, Kärntner Landesregierung, aff.
jointes C-293/12 et C-594/12, site curia.
38. CJUE, gde ch., 28 mai 2013, Abdulbasit Abdulrahim c/ Conseil et Commission, aff.
C-239/12 P, pt 72.
39. CEDH, gde ch., 19 févr. 2009, A et autres c/ Royaume-Uni, n° 3455/05, § 173 et s.

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