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INQUALIFIABLE UNION, IMPENSABLE EUROPE...

Le concept en vogue dans les sciences sociales et économiques en ce moment est
celui de « commun ». Je le découvre à l'occasion de conférences diverses. Le commun est entendu comme accès et partage à ce qui nous unit ; communities en
anglais. Ce concept a été forgé dans les années 1970 semble-t-il. Or, vous vous en
souvenez, en 2008 j'ai organisé un colloque à Paris sur la notion de commun, mais
appliqué au droit de l'Union. Intuition au départ, construction ensuite, j'y vois une
porte de sortie honorable et juridiquement tenable pour comprendre et donner à
comprendre les fondements « ADNiques » de notre objet. J'ai plusieurs fois écrit
sur le sujet et j'ai le sentiment que nous détenons un outil conceptuel valide.
Lors du colloque organisé au Sénat par notre collègue S. Roland, il m'a été
permis d'exposer ma conception du sujet comme je vous l'ai dit et de la développer dans un article publié dans l'Annuaire de droit européen à l'automne 2015.
Plus précisément, la spécificité de l'Union, d'un strict pont de vue juridique et
institutionnel en première analyse - analyse exploitable au demeurant pour aborder le droit matériel - tient en la création ex nihilo d'un pouvoir public commun.
Cette expression n'est pas mienne, mais empruntée à une délibération de la CJCE
de 1978 (procédure d'avis CEEA sur la compatibilité des accords externes).
On sait que cette expression n'a pas échappé à la doctrine du moment (Boulouis
et surtout Isaac) qui a ainsi pu montrer que c'est l'unique fois où la Cour a qualifié les Communautés (la CEEA pour être précis) et mesurer la portée de cette
expression. J'ai poursuivi l'analyse et tenté de creuser ce fécond sillon. De mon
point de vue, la spécificité de l'Union réside ici. Plus précisément, il doit être
possible de tenter une qualification juridique de la spécificité de l'Union. Si cette
spécificité est précisément d'avoir réussi à instaurer un ordre juridique qui se
caractérise par la mise en commun des ordres et compétences nationaux, alors la
qualification juridique de cette spécificité tient dans l'expression « pouvoir public
commun » qui est un agrégat, une dynamique d'exercice en commun des compétences étatiques.
Ce pouvoir public commun (PPC) est fondé sur quoi ? L'attribution de compétences étatiques (non dénaturées au passage - la Cour ne cesse d'ailleurs de le
« dire » depuis 1963 et 1964) et l'exercice collectif (je préfère en commun - il y a
une vraie différence conceptuelle et de nature que je ne peux développer ici) de ces
compétences étatiques. C'est ça la grande nouveauté. C'est ça la spécificité et la
singularité de l'Union. Ne cherchons pas trop loin la base juridique de cette affaire.
Notre article 88-1, dans sa lecture juridique et non politique et circonstancielle
(1992) ne dit pas autre chose. Le Portugal a adopté au mot près la même formule.
La portée de cette novation, car novation juridique il y a, n'est pas neutre.
Je ne prends qu'un exemple tiré de la question emblématique de la primauté et
de sa compréhension ou résolution juridique. Alors que l'on persiste à la traiter
comme un rapport hiérarchique de normes, même si les choses ont évolué, la
confrontation normative traitée sous l'angle de la nullité ou de l'invalidité par le
recours au concept d'exercice en commun des compétences nous enseigne qu'il
convient de l'aborder simplement sous l'angle de l'incompétence de l'auteur de
l'acte. En clair, et là aussi la Cour ne dit pas autre chose dans Simmenthal (affaire mal

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