Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Jean Rossetto - 295

DELPHINE CLEMENCEAU-HINDY

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Mais si cette irresponsabilité est absolue dans l'hémicycle, elle disparaît dès
que le parlementaire sort de la chambre34. Il s'agit là d'une conception restrictive
des actes couverts par l'irresponsabilité35.
De plus, les parlementaires restent soumis au régime disciplinaire prévu par le
règlement de l'Assemblée. Le président, voire l'Assemblée elle-même, peut retirer
la parole, refuser le dépôt d'une question écrite comportant des imputations
d'ordre personnel à l'égard de tiers ou prononcer des sanctions à l'égard de parlementaires qui se seraient mal conduits. À côté des dérapages sexistes, des insultes
ou des lapsus, il n'est pas rare d'assister à des atteintes à la présomption d'innocence dans l'hémicycle.
Le constat est aussi prégnant au sein de l'exécutif. En septembre 2009, Dominique
de Villepin fait savoir, par la voix de son avocat Me Olivier Metzner, qu'il intente une
action en justice contre Nicolas Sarkozy, alors président de la République, pour
atteinte à la présomption d'innocence, devant le TGI de Paris au civil.
Ce dernier avait ainsi déclaré, au sujet de l'affaire Clearstream pour laquelle
Dominique de Villepin était renvoyé devant les juges que : « Au bout de deux ans
d'enquête, deux juges indépendants ont estimé que les coupables devaient être
traduits devant un tribunal correctionnel »36.
La guerre avait commencé alors que les deux protagonistes étaient ministres.
Nicolas Sarkozy, ministre du Budget puis de l'Intérieur, aurait touché des commissions dans le dossier des frégates de Taïwan sur des comptes secrets de la société luxembourgeoise Clearstream. Dominique de Villepin, Premier ministre, était
quant à lui soupçonné d'avoir falsifié la liste des personnalités, dont faisait partie
Nicolas Sarkozy, possédant un compte dans cette société, qualifiée de « plateforme mondiale de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent »37. Il fut alors mis
en examen pour « complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol et d'abus
de confiance et complicité d'usage de faux ». S'ensuivront des échanges vifs par
médias interposés. Nicolas Sarkozy affirmera ainsi que s'il retrouve « le salopard
qui a monté cette affaire, il finira sur un crochet de boucher »38. Dominique de
Villepin lui répondra, face caméras, le jour de l'ouverture de son procès : « Certains
voudraient croire qu'il n'y a pas dans notre pays de procès politique, je veux le
croire aussi, et pourtant, nous sommes ici en 2009, et nous sommes en France ».
Il sera relaxé, en première instance et en appel. À la sortie du tribunal, il évoquera
un « acharnement sans précédent » avec, dans son viseur, Nicolas Sarkozy.
34. L'irresponsabilité ne couvre ni les propos tenus par des parlementaires lors d'un
entretien radiophonique, ni le rapport rédigé par des parlementaires dans le cadre d'une mission accomplie pour le gouvernement ; Cons. const., 7 nov. 1989, n° 89-262 DC.
35. Cass. crim., 7 mars 1988, D. 1988, somm. p. 106.
36. Interview diffusée en simultané sur TF1 et France 2, de New York, où il participait à
l'assemblée générale de l'ONU avant le G20 de Pittsburg, le 23 septembre 2009 ; http://www.
dailymotion.com/video/xalhsi_nicolas-sarkozy-interview-23-septem_news. On notera au passage la différence d'appréciation que fait N. Sarkozy. Lorsque les magistrats le mettent en
examen..., et lorsque les magistrats mettent ses rivaux politiques en examen...
37. D. Robert, La boîte noire, éd. Broché, 2002.
38. F.-O. Giesbert, La tragédie du président, éd. Broché, 2006.

http://www http://www.dailymotion.com/video/xalhsi_nicolas-sarkozy-interview-23-septem_news

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