Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Jean Rossetto - 307

AGNÈS GAUTIER-AUDEBERT

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2. Des juridictions nationales limitées par les politiques
Les exemples de la Belgique, de l'Espagne et de la France sont flagrants25.
La Belgique vote deux lois, les 16 juin 1993 et 19 février 1999, la seconde
modifiant la première en élargissant son champ d'application, les trois types de
crimes étant visés26: les conditions de saisine des juges nationaux étaient très
facilement remplies ce qui impliqua un très grand nombre d'affaires, jusqu'à
poser des problèmes de politique extérieure, les cas d'Ariel Sharon et Georges
Bush ayant fait grand bruit27. En outre, l'affaire Yerodia avait quelque peu refroidi les juges belges. Les conséquences ne tardent guère avec la modification des lois
en 200328, préconisant désormais le respect de l'immunité de juridiction, la saisine par le seul procureur fédéral pour les crimes commis par des Belges ou résidant habituellement en Belgique ou commis en Belgique ou contre des Belges ou
des personnes résidant depuis au moins trois ans en Belgique.
La France a modifié son Code de procédure pénale en 201029, réduisant le
principe de la compétence universelle de la même façon. Outre les conditions
relatives au domicile et à la saisine, la loi précise que la CPI doit se désister ce
qui ne peut être le cas puisqu'elle intervient en complément des juridictions
nationales, à qui il revient de se déclarer dans l'impossibilité de statuer30. Des
considérations politiques en sont à l'origine également, tendant à éviter l'arrestation de personnalités politiques étrangères sur le territoire français31. D'ailleurs, dans le cadre de l'ouverture de l'enquête pour crimes contre l'humanité à
l'encontre de la Syrie, lancée par le parquet de Paris le 15 septembre 2015, la
25. A. Lagerwall, « Que reste-t-il de la compétence universelle au regard de certaines
évolutions législatives récentes ? », AFDI 2009, p. 743.
26. A. Bailleux, « L'histoire de la loi belge de compétence universelle. Une valse à trois
temps : ouverture, étroitesse, modestie », Droit et société 59/2005, p. 107 ; http://www.reds.
msh-paris.fr/publications/revue/pdf/ds59/ds059-08.pdf.
27. A.  Lagerwall, « La compétence universelle, le droit pénal international et les
immunités des chefs d'État », justice en ligne, 28 mars 2011, http://www.justice-en-ligne.
be/rubrique132.html.
28. L. 23 avr. 2003 modifiant la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations
graves du droit international humanitaire et l'article 144 ter du Code judiciaire, Moniteur belge
7 mai 2003 ; L. 5 août 2003 : modifications apportées au Code pénal et au Code de procédure
pénale, Moniteur belge 7 août 2003.
29. L. n° 2010-930, 9 août 2010 portant adaptation de droit pénal à l'institution de la
Cour pénale internationale, JO 10 août 2010 ; C. proc. pén. français, art. 689-11. H. Ascencio,
« Une entrée mesurée dans la modernité du droit international pénal. À propos de la loi du
9 août 2010 », JCP n° 37, 13 sept. 2010 ; J. Baroudy, « La compétence universelle en mutation... (À propos de la loi française n° 2010-930 du 9 août 2010) », RSC 2011, p. 228.
30. Statut de Rome, art. 1 : « Il est créé une Cour pénale internationale... Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales... » ; Statut de Rome, art. 17 : compétence
de la CPI en cas de manque de volonté, « eu égard aux garanties d'un procès équitable », ou
d'incapacité de l'État « en raison de l'effondrement de la totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de
l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure ».
31. V. notamment le cas de D. Rumsfeld (v. J. Baroudy, ibid.).
http://www.reds http://www.msh-paris.fr/publications/revue/pdf/ds59/ds059-08.pdf http://www.justice-en-ligne
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