Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Jean Rossetto - 34

LA CONSTITUTION DES ÉTATS-UNIS VUE PAR LES FILMS AMÉRICAINS

d'exemplaires qu'en Angleterre. On y suit l'histoire de l'adoption du XIIIe amendement (Lincoln, Spielberg, 2012) ou encore un irréprochable majordome britannique qui change de vie après avoir récité par cœur à une salle de bistrot ignare,
hébétée puis conquise, le discours de Lincoln à Gettysburg : « Nos pères créèrent
sur ce contient une nouvelle nation libre fondée sur l'égalité entre tous les hommes.
Nous ne pouvons dédier, ni consacrer, ni sanctifier cette terre. Les vivants et les
morts qui y ont vécu l'ont consacré plus que nous ne saurions le faire. C'est à nous,
les vivants de nous vouer à la seule tâche qui reste à accomplir : que cette nation,
fille de Dieu, connaisse une liberté nouvelle et que le gouvernement du peuple,
pour le peuple, et par le peuple ne disparaisse pas de la terre » (L'extravagant
Mr Ruggles, Leo Mc Carey, 1935). Comment le cinéma américain peut-il ainsi scénariser le « gouvernement du peuple », à travers des héros ordinaires ?
La Constitution et le droit y apparaissent pourtant souvent comme un élément de scénario voire, sans forcer le trait, un élément de l'intrigue. À l'inverse de
la situation française, où les films politiques sont nombreux mais où ils ne relatent
qu'une histoire d'hommes - on verrait mal une histoire filmée de la révision du
6 novembre 1962, pour prendre celle qui se prêterait sans doute le mieux à un
scénario - ce sont bien des mécanismes constitutionnels que la filmographie américaine met en scène4.
La désacralisation des institutions françaises, dont les témoignages sont si
nombreux qu'on ne sait s'il convient de les énumérer, ou même de les évoquer,
contraste donc avec la sacralisation de la Constitution de Philadelphie.
Cette sacralisation permet, au-delà de la mise en scène de compétitions politiques,
de faire de la Constitution un vecteur de l'action, et du droit un sujet de films.
Trois thèmes apparaissent dominants : d'abord celui de la Constitution
comme garantie de la démocratie en Amérique, ensuite celui de l'illustration de
la séparation des pouvoirs, enfin celui du triomphe du droit.

i - La Lutte organisée pour Le pouvoir
C'est un truisme que de rappeler que la Constitution américaine est fondée
sur la méfiance vis-à-vis du pouvoir, qui explique en particulier la séparation
absolue des pouvoirs, la durée de mandats la plus courte possible - Jefferson
affirme que « le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins » - et sur
la libre compétition électorale, la plus transparente, égalitaire (C. S. Baker v/ Carr,
26 mars 1962) et ouverte possible. La filmographie comporte un nombre important de descriptions de campagnes électorales.
Un western ? Bien sûr on ne saurait ignorer ce genre propre au cinéma américain. Dans L'homme qui tua Liberty Valance (John Ford, 1962), un juriste, avocat, souhaite s'installer dans une ville tenue par un truand, Liberty Valance, que
4. Sur l'ensemble du sujet M. Touzeil Divina, Le Parlement aux écrans, L'Épitoge, 2014,
dont E. Milliard, « l'apologie hollywoodienne ». Pour les films et réalisateurs cités, on peut se
référer au Dictionnaire du cinéma de J. Tulard (R. Laffont) et au tome 3 par J. Lourcelles.

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