Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Jean Rossetto - 78

58

RÉFLEXIONS SUR LA RÉGULATION JURIDICTIONNELLE EN AFRIQUE FRANCOPHONE

1991) et le Sénégal (Constitution du 22 janvier 2001) s'y sont référés. Le cas de la
Côte d'Ivoire est éloquent. Au terme d'une décennie d'épreuves qui a failli emporter
l'État, un État érigé jusque-là en modèle, la Constitution du 1er août 2000 l'a consacrée. Reste cependant le cas singulier du Cameroun4. La restauration de l'État en
Centrafrique a emprunté cette voie, une fois la paix recouvrée, en 2015.
La naissance de cette juridiction procède d'une démarche identique, celle de
l'émancipation de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, créée par la
première génération des Constitutions de la décennie 1960. Une chambre paralysée par le parti-État, quand elle n'a pas été abrogée, à la suite d'un coup d'État
(manifestation de mauvaise conscience ?), à l'exemple de celle de la Côte d'Ivoire
en 1999, avant de ressusciter, métamorphosée.
Que recouvre la notion d'« organe régulateur » ? Sinon à la réflexion, selon la
deuxième génération des Constitutions actuelles, l'existence d'un « Gouvernement
de la Constitution », selon la pertinente expression du doyen Vedel, qui se substitue
à la partitocratie d'antan. De sorte que la Constitution cesse d'être un élément de
décor, un alibi, pour résumer et préserver le pacte unissant les gouvernants aux gouvernés. Jadis, en cas de violation, John Locke justifiait la « Glorieuse Révolution » en
1688 par « l'appel au ciel » ; de nos jours, ce sera l'appel aux juges constitutionnels
contre les centurions. Le temps apparaît révolu où certains présidents africains étaient
tentés de plier la Constitution à leur volonté afin de s'ancrer au pouvoir. Le peuple
burkinabé s'est opposé, en octobre 2014, au continuisme du président Compaoré.
Las... son homologue du Burundi y parviendra en juillet suivant. Organiser un
référendum à Brazzaville, en octobre 2015, par mimétisme, ne fera que retarder
l'échéance, celle d'une... victoire de trop, à coup sûr.
La prééminence du droit, qui s'affiche malgré des difficultés, ne doit pas dissimuler le fait que l'activité politique se révèle, sur ce continent, intrinsèquement
dangereuse, en raison de la remise en cause des privilèges attachés à l'exercice du
pouvoir, non pas tant par son titulaire que de l'ethnie à laquelle il appartient, au
point de menacer l'unité de l'État. En 1993, le vice-président du Conseil constitutionnel sénégalais sera assassiné lors d'élections générales.
Sous le bénéfice de cette mise en perspective, il importe de procéder à l'inventaire de la régulation, à la lumière de la nouvelle interprétation du principe de la
séparation des pouvoirs (pouvoir majoritaire et pouvoir juridictionnel) à laquelle
elle s'identifie. Au prix d'une simplification, la Cour constitutionnelle reçoit la
mission de protéger la liberté-participation et la liberté-autonomie5.
Autrement dit, cette dernière est garante, tant de la libre expression de la volonté
des citoyens (I) que de la protection des droits et libertés des personnes (II).
Une démarche qu'il convient désormais d'emprunter.
4. Le Cameroun a adopté une attitude particulière : deux lois du 21 avril 2004 ont créé
un Conseil constitutionnel prévu par la Constitution du 2 juin 1972, révisée en 1996. Mais
faute de procéder à la nomination de ses membres..., celui-ci est demeuré fantomatique.
V.  notre article « La mise en place du Conseil constitutionnel camerounais », in Mélanges
Henri Jacquot, 2006, p. 253.
5. V. B. Kanté, « Les juridictions constitutionnelles et la régulation des systèmes politiques en Afrique », in Mélanges Jean Gicquel, 2008, p. 265.
Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Jean Rossetto

Table des matières de la publication Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Jean Rossetto
