Hors Collection - Dictionnaire d'un droit humaniste - 144

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DICTIONNAIRE D'UN DROIT HUMANISTE

fût directement applicable dans notre Ancienne France en qualité de « droit
écrit » de la France méridionale ou invoqué à titre de ratio scripta (raison
écrite) en pays de coutume, avait alors constamment servi de modèle aux
juristes, qu'ils fussent « légistes » (au service du souverain) ou magistrats ou
praticiens.
Dans l'Ancienne France, le jus commune était devenu une compénétration de droit romain (corpus juris civilis) et de droit canon (corpus
juris canonici), ce qu'on appelle les « droits savants du Moyen Âge ». Les
théologiens eurent aussi recours au jus commune des contrats pour élaborer
une morale chrétienne qui, réciproquement, inspira le jus commune (par
exemple, le consensualisme)2. Toutes ces conceptions du jus commune
relevaient uniquement de la scientia juris, et non du droit positif3.
Réalité doctrinale, parce que le droit romain était enseigné dans toutes
les universités médiévales. Son influence a été prépondérante en France
et surtout en Italie et encore plus en Allemagne (l'usus hodiernius pandectarum), faible en Angleterre (qui appliquait la Common Law) et dans les
pays scandinaves. Il coexistait avec les droits nationaux, régionaux ou locaux,
marquant ainsi, pour toujours, un des caractères de l'Europe depuis la chute
de l'Empire romain (et même, à un moindre degré, avant), un mélange
instable de valeurs communes et de particularismes.
Des auteurs récents ont cru pouvoir étendre le jus commune à l'ensemble
de l'Europe occidentale, pays de Common Law compris, abandonnant la
distinction radicale et traditionnelle opposant les pays de Common Law
(Angleterre d'abord, puis les autres pays anglo-saxons) aux pays de droit
civil : le reste de l'Europe continentale, notamment la France, l'Allemagne,
l'Italie et les trois pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg),
« l'Europe des Six ». Ce qui les oppose aurait uniquement pour objet les
aspects techniques du droit : les sources (dans la Common Law, le caractère
essentiellement jurisprudentiel du droit et la force obligatoire du précédent)
2. Wim Decock, « La morale à l'aide du droit commun : les théologiens et les contrats,
xvie-xviie siècles », RHD 2013.263 qui cite Friedrich Karl von Savigny, Traité de droit romain,
Berlin, 1840, trad. Ch. Guenoux, 1850, p. 53-54 : « La religion chrétienne a transformé le
monde à tel point que toutes nos pensées, aussi étrangères et même hostiles à cette religion qu'elles
puissent paraître, sont elles-même dominées et imprégnées par elle ».
3. Jean Gaudemet, « Les tendances à l'unification du droit en France dans les derniers
siècles de l'Ancien régime (xviie-xviiie) », in Le formazione storica di diritto moderni in Europa,
t. I, Florence, Olschki, 1877, p. 157 s., spéc. 164 ; Nicolas Balat, op. cit. n° 274.

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