Grands Colloques - La protection du dirigeant social - 29

AïDA BeNNINI

précisé que celle-ci n'est pas fixée unilatéralement, en ce qu'elle est le fruit
d'une libre négociation.
Nombreux sont ceux qui ont dénoncé la nocivité potentielle de ces
conventions de rémunération et ont appelé à un encadrement légal. La
question de l'encadrement de la rémunération a même pris une tournure
politique dans la mesure où elle est devenue le symptôme d'un système
capitalisme à la dérive aux yeux des partisans de la réglementation6.
pourtant, la rémunération du dirigeant dans les entreprises privées est
toujours régie par les conventions dites libres, sous réserve qu'elles soient
conclues dans des conditions normales7. Quand bien même le caractère
normal d'une convention de rémunération est remis en question, un autre
principe fondamental, tout aussi protecteur du dirigeant que la liberté
contractuelle, intervient. Il s'agit du principe de proportionnalité que notre
cour d'appel consacre indirectement à travers plusieurs de ses dispositions.
Dans ce contexte, le principe de proportionnalité joue le rôle de garde-fou
permettant potentiellement une remise en cause des rémunérations, au cas
par cas. Cet encadrement par la régulation offre aux dirigeants une solution
intermédiaire permettant de suspendre l'échéance d'un encadrement légal
de leurs rémunérations, d'éviter conséquemment toute mesure coercitive
et de sauvegarder la liberté contractuelle en la matière.
De même, le principe « say on pay » adopté par le Code de gouvernance des entreprises cotées AFep-MeDeF8 s'inscrit dans le même
esprit que le principe de proportionnalité, en ce qu'il protège in fine un
espace de liberté contractuelle dans le domaine de la rémunération du
dirigeant. D'inspiration américaine, ce principe permet aux actionnaires
de se prononcer sur le système des rémunérations de leurs dirigeants. De
nombreux pays ont adopté ce principe en optant pour un vote consultatif des actionnaires ou une approbation par ces derniers en assemblée
générale d'une enveloppe globale des rémunérations des dirigeants. Le
Code AFep-MeDeF fait obligation au conseil d'administration, dans les
sociétés cotées, de présenter à l'assemblée générale annuelle la rémunération de chaque dirigeant, au titre de l'exercice clos. Cette présentation
est suivie d'un vote consultatif des actionnaires et, en cas d'avis négatif,
d'une délibération du conseil après avis du comité des rémunérations. on
6. A. Mairot, « L'encadrement coercitif des rémunérations des dirigeants ou l'Arlésienne
des pouvoirs politiques », Dr. sociétés, n° 10, oct. 2013, alerte 47.
7. Sur les entreprises publiques, voir : V. Magnier, « encadrement des rémunérations des
dirigeants : le secteur public... avant le privé ? », Bull. Joly Sociétés 2012, p. 606 ; F. Barrière,
« La rémunération des dirigeants sociaux : un encadrement évolutif », Dr. sociétés, n° 10,
oct. 2013, étude 18.
8. Article 24.3 du Code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées AFep-MeDeF,
dans sa version du 16 juin 2013.

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