Systèmes - La Cour de justice de l’Union européenne - 1re - 164

La Cour de justice de l'Union européenne

capacité du candidat à maîtriser dans un délai raisonnable la langue
de travail » (comité dit « 255 », rapport d'activité). Durant son audition, le candidat présente un exposé d'une durée de dix minutes
« [e]n anglais, français ou toute autre langue officielle de l'UE », les
questions sont posées en anglais ou en français et le candidat peut
répondre dans la langue de son choix. Cela s'explique sûrement par
la composition même du comité, les membres venant notamment
des différentes juridictions nationales. Cela se justifie également
par le fait que la maîtrise du français peut paraître secondaire si
l'on souhaite privilégier un profil et une expérience, sachant que la
Cour fournit d'excellentes formations expresses en langue et que les
juges peuvent être dans un premier temps soutenus par leur équipe,
notamment leurs référendaires. D'ailleurs, certains juges passent
leurs premiers mois en fonction à suivre des cours intensifs de
français, en plus de leurs obligations juridictionnelles42. Cela ne va
pas sans poser d'autres problèmes d'organisation, mais cela montre
que certains juges arrivent à la Cour sans maîtriser la langue
française.
Plus généralement, bien que cela ne réponde pas directement au
problème de l'effet dissuasif, l'argument centré sur la domination
linguistique et culturelle pourrait aussi être retourné concernant
l'anglais. L'usage de l'anglais dans toutes les institutions internationales favorise-t-il un mode de raisonnement, une culture, une
manière de voir le monde, alors même que les Britanniques restent
minoritaires dans ces institutions ? La doctrine de langue anglosaxonne n'est-elle pas influencée par une « doctrine anglosaxonne »43 ? En même temps, en ces temps de Brexit, la question
se pose en des termes renouvelés. À présent que le Royaume-Uni
est sorti de l'Union européenne, l'anglais ne compte plus parmi les
langues officielles, l'Irlande et Malte ayant choisi l'irlandais et le
maltais comme langues officielles. Mais l'anglais apparaît aussi
comme la véritable langue neutre44, ce qui renforce aussi son intérêt !
Pour l'heure l'usage du français ne se justifie fondamentalement
que par l'existence d'une seule langue commune, quelle qu'elle soit.
Le français fournit non seulement une langue unique
42. N. MARCH HUNNINGS, The European Courts, Cartermill, 1996, p. 65.
43. K. LENAERTS, « Interview : Le président évoque la doctrine en droit européen », blog
droiteuropeen.eu, 20 janv. 2016.
44. « English becomes Esperanto », The Economist 23 avr. 2016 ; M. DERLÉN, « Mulitingualism
and the European Court of Justice: Challenges, Reforms and the Position of English After
Brexit », in E. GUINCHARD et M.-P. GRANGER, op. cit., p. 341.

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