Systèmes - La Cour de justice de l’Union européenne - 1re - 59

La sélection des juges et des avocats généraux

la Cour de justice de l'ordre judiciaire. Au Tribunal, jusqu'à la
réforme de 2015, les mandats alternaient entre les magistrats de
l'ordre judiciaire et les magistrats de l'ordre administratif. Depuis
le doublement du nombre de juges, la dernière nomination de
L. Truchot, magistrat de l'ordre judiciaire, alors que le conseiller
d'État S. Gervasoni était déjà en poste, montre que Conseil d'État et
ordre judiciaire continuent de « se partage[r] les postes »8. Cette tradition remonte aux années 1970. Le poste de juge, après avoir été
attribué à l'économiste J. Rueff puis à l'ancien garde des Sceaux
R. Lecourt, a finalement été confié à un magistrat de l'ordre judiciaire, M. Touffait, en 1976, alors que le premier poste d'avocat
général était confié depuis l'origine à Maurice Lagrange, conseiller
d'État qui avait participé à la rédaction du statut de la Cour et qui
avait proposé la création de la fonction et que ses successeurs viennent également du Conseil d'État. À partir de la nomination de
M. Touffait, les ordres juridictionnels français se trouvaient donc
également représentés à la Cour. Or « cette répartition menaçait
d'être remise en cause par la volonté du gouvernement français
(...) de nommer Mme Rozès (...) magistrat de l'ordre judiciaire, à la
fonction d'avocat général [et] l'institution d'un onzième juge et la
désignation d'un conseiller d'État français, F. Grevisse, sauvait la
situation »9. Son mandat de dix-huit mois se terminait au moment
où s'achevait celui d'A. Touffait. On pouvait alors placer F. Grevisse
au poste d'A. Touffait.
On peut s'interroger tant sur cette tradition que sur les modalités
de choix des candidatures, les deux étant interdépendantes. La procédure de sélection des candidats est des plus opaques et des plus
fermées d'Europe, surtout depuis que les autres pays ont ouvert
leurs procédures de sélection, à l'exception notable de la
Belgique10. Certes, on pourrait considérer que cette opacité et cette
fermeture comportent certains atouts au regard des exigences de
compétence et d'indépendance des candidats. En effet, pour ce qui
est du juge à la Cour et du juge au Tribunal quand il vient de l'ordre
administratif, la sélection se fait en réalité au sein du Conseil d'État,
le gouvernement français se contentant d'entériner le choix opéré11.
8. L. DUBOUIS, et C. BLUMANN, op. cit., p. 373.
9. J. CHARPENTIER, « À propos d'une récente augmentation du nombre de magistrats de la Cour
de justice des Communautés européennes », Études de droit des Communautés européennes : Mélanges offerts à Pierre-Henri Teitgen, Pedone, 1984, p. 67, 77.
10. I. BENZIRI. « Justice mut not only be done, it must also appear to be done - Selecting judges
of the Court of justice », CDE 2015, nº 2-3, p. 365, 386.
11. Ibid., p. 384.

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