Exégèses - L'affaire Martinot ou Prométhée congelé - 53

L'affaire Martinot : entre les funérailles d'antan et la postmortalité

être regardé comme emportant prohibition implicite mais nécessaire
d'autres procédés ? Telle était l'une des questions portées devant le
juge par les enfants du docteur Martinot.
Pour le Conseil d'État, on l'a vu38, seules l'inhumation ou la crémation sont les destinées légales du cadavre, et la législation funéraire étant d'ordre public, il en a inféré que tout autre mode de
sépulture est en soi illicite39.
Juridiquement, sur le terrain du droit funéraire, la solution retenue par le Conseil d'État était plus que prévisible.
Cependant, cette prévisibilité ne pouvait être telle que si, et seulement si, le débat judiciaire restait strictement circonscrit au terrain du seul droit funéraire et, comme ce fut le cas, à l'unique question de savoir si la cryogénisation pouvait être regardée comme un
mode légal de sépulture.
Selon les consorts Martinot, faute pour la cryogénisation d'être
expressément interdite par les dispositions législatives et réglementaires portant sur les modes de sépulture, le préfet ne pouvait refuser
l'autorisation d'inhumer leur père selon ce procédé. Les requérants
invoquaient également la méconnaissance d'un principe à valeur
38. Voir supra, chapitre I, p. 25-31 et le texte de la décision en annexe.
39. Il existe, de fait, d'autres modes de sépulture, même si ceux-ci ne sont pas prévus
par les textes. Ainsi de la pratique de l'immersion en haute mer du corps des personnes décédées à bord d'un navire (rép. min. no 3067, JOAN Q 27 octobre 1997,
p. 3744). Rappelons qu'il y a quelques années, le corps de Paul-Émile Victor a été
immergé au large de Bora-Bora et que celui de Jean Gabin l'a été au large des côtes
méditerranéennes.
39. De même, si la thanatopraxie n'est légale qu'en préalable à l'inhumation du cadavre,
l'usage et les pouvoirs publics admettent exceptionnellement, que des corps embaumés ne soient pas au sens strict inhumés, ni même enfermés dans un cercueil, et
demeurent visibles de manière permanente. Il en est ainsi des corps des saints qui
sont conservés dans une châsse en verre à l'intérieur de certains lieux de culte. Ce qui
est le cas de sainte Bernadette Soubirous, au couvent Saint-Gildard, à Nevers. Citons
également le don du corps à un établissement d'hospitalisation, d'enseignement ou
de recherche dans le cadre de l'article R. 2213-13 du Code général des collectivités
territoriales ou des dispositions des articles L. 1211-1 et suivants, L. 1232-1 et suivants, R. 1211-1 et suivants et R. 1232-1 et suivants du Code de la santé publique
relatifs au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain et aux
prélèvements d'organes. À l'issue des travaux d'expérimentation et de recherche ou
des prélèvements dont ils sont l'objet, ces restes doivent en principe être inhumés ou
faire l'objet d'une crémation (CGCT, art. R. 2213-13, dernier alinéa).

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