Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 119

FRANçOIS BOUCARD

mise en œuvre des actes juridiquement contraignants de l'Union ». En vertu de
cette obligation, les textes de droit interne s'interprètent à la lumière de la directive dont ils assurent la transposition7.
Cette obligation d'interprétation conforme joue également lorsque le texte de
droit de l'Union n'a pas d'effet direct, tel un accord-cadre8 ou bien une directive
qui aurait dû être transposée mais qui ne l'a pas été. Il en va de même lorsqu'une
directive non transposée se trouve privée d'effet direct faute de contenir des dispositions suffisamment précises et inconditionnelles9.
L'obligation d'interpréter le droit interne conformément à une directive naît à
compter du jour de sa transposition10. Pour autant, la directive ne peut pas être
totalement ignorée pendant le laps de temps qui sépare son adoption de sa transposition en droit interne. En effet, pendant ce temps, les États membres et, partant, leurs juridictions, ne peuvent pas prendre de mesures « de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette directive »11. Bien sûr, précise la
Cour de justice, « l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une
directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne
trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment dans ceux de
sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité »12.
On le voit, l'obligation d'interprétation conforme modifie substantiellement le
raisonnement juridique auquel nous sommes habitués. En effet, bien qu'une directive ne soit pas encore transposée et même si le délai de transposition n'est pas
encore expiré, il convient d'interpréter notre droit interne à la lumière des objectifs
qu'elle poursuit. Il ne s'agit pas d'appliquer de manière rétroactive le texte européen,
mais d'éviter de faire obstacle à la réalisation future des objectifs qu'il fixe.
L'interprétation conforme n'est toutefois pas sans limite : elle ne saurait
conduire à une interprétation contra legem du texte de droit interne. En pareille
institutions de l'Union. Les États membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa
mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union ».
7. CJCE 4 juill. 2006, Adeneler, C-212-04, points 108 et 109, selon lequel « les juridictions nationales sont tenues de l'interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du
texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, se conformer à l'article 249, troisième alinéa, [devenu l'article 288 al. 3 du TFUE] (...).
Cette obligation d'interprétation conforme concerne l'ensemble des dispositions du droit
national, tant antérieures que postérieures à la directive dont il s'agit (...). L'exigence d'une
interprétation conforme du droit national est en effet inhérente au système du traité en ce
qu'elle permet aux juridictions nationales d'assurer, dans le cadre de leurs compétences, la
pleine efficacité du droit communautaire lorsqu'elles tranchent les litiges dont elles sont saisies ». Dans le même sens, v. CJUE 18 décembre 2014, C-131/13, C-163/13 et C-164/13,
Staatssecretaris van Financiën c/ Schoenimport « Italmoda » Mariano Previti vof et a., point 52.
8. CJCE 24 juin 2010, Francesca Sorge c/ Poste Italiane SpA, C-98/09, point 50.
9. CJCE 15 juin 2000, Brinkmann Tabakfabriken GmbH c/ Hauptzollamt Bielefeld,
C-365/98, point 40.
10. CJCE 4 juill. 2006, Adeneler, préc., points 115 s.
11. CJCE, 18 déc. 1997, Inter-Environnement Wallonie ASBL et Terre wallonne ASBL c/
Région wallonne, C-129/96, points 44 et 45.
12. CJCE 4 juill. 2006, Adeneler, préc., point 110.

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