Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 138

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DE L'USAGE DU PRÉAVIS...

Si le texte invite effectivement à l'effacement des catégories classiques, il reste
parfois difficile, voire irréaliste, d'exiger la délivrance d'un préavis de rupture dans
toutes les relations commerciales établies, lors même qu'elles seraient le produit
d'un enchaînement de contrats à durée déterminée.
On ne contestera pas qu'une relation commerciale puisse être « établie » par
une succession de contrats à durée déterminée, voire par un seul contrat à durée
déterminée5. On observera seulement que le champ d'application de l'obligation de préavis, entre commerçants, ne peut pas être indifférent au caractère
déterminé ou indéterminé de la durée du contrat ou des contrats qui constituent la relation.
L'intention du législateur est claire. Il s'agit de transcender le cadre formel du
contrat pour ne considérer que la relation commerciale. Il s'agit de refouler la
volonté au profit de la réalité. Tandis que le contrat s'apprécie à sa conclusion, la
relation s'évalue à son dénouement. L'un est l'image de ce qui a été voulu, l'autre
est le reflet de ce qui a été fait.
Ce changement de perspective bouleverse le droit des contrats depuis plusieurs
décennies. Faire prévaloir l'esprit sur la lettre, le fait sur la fiction, l'économie générale sur le verbe. Le principe de réalité est en marche lente et inexorable.
Il ne s'agit pas d'en contester la primauté mais d'en saisir les limites au regard
de la délivrance du préavis de rupture. Car la philosophie du texte entre en conflit
frontal avec la logique du contrat.
En parlant de la rupture d'une relation, le législateur s'est enfermé dans une
contradiction qu'il entendait pourtant dépasser, qui tient à cela que la rupture
n'entraîne pas les mêmes conséquences selon qu'elle est appliquée au contrat ou à
la relation, au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
La rupture est une initiative destinée à produire des effets de droit. En cela, le
préavis de rupture ne peut s'appliquer qu'à la chose juridique, le contrat et non à
un lien factuel, la relation. La rupture dont parle le texte ne garantit nullement
que la relation va cesser. Bien au contraire, cette rupture est souvent l'occasion
d'en changer les termes sans y mettre fin. Preuve que cette rupture ne concerne
que le contrat et non la relation elle-même.
Considérer la relation par-delà le contrat était un objectif louable mais il fallait
le conduire à son apogée et admettre que toute relation commerciale établie - fûtelle constituée d'une succession de contrats à durée déterminée - peut être rompue à tout moment par l'une ou l'autre des parties en adressant un préavis tenant
compte de la durée de la relation commerciale.
Une telle disposition eût permis d'évincer toute distinction liée au caractère
déterminé ou indéterminé de la durée du contrat. Alors, mais seulement alors, le
contrat se serait effacé au profit de la relation.
relations commerciales établies », RTD Com 2008, p. 1, spec. n° 16 : « L'article invite, en effet,
à transcender les grandes classifications du droit des contrats en regroupant sous une même
"bannière" le contrat à durée indéterminée et la succession de contrats à durée déterminée ».
5. À condition qu'il soit d'une durée suffisante. Il semble qu'une relation de quelques
mois ne soit pas suffisamment établie pour entrer dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. V. Com., 18 déc. 2007, n° 06-10390.
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