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SAVOIRS ÉTHOLOGIQUES ET CONNAISSANCES JURIDIQUES

commandements qui expriment les normes sociétales fondamentales que les
Hébreux devront respecter, est parfaitement explicite. Cette idée demeure ancrée
dans beaucoup d'esprit, de nos jours encore, alors même que nos sociétés contemporaines ont eu tendance à remplacer Dieu par l'État. C'est aussi cette analyse
traditionnelle qu'exprima Maurice Barrès lorsqu'il écrivit que « le droit vient du
delà des hommes pour les conduire au-delà d'eux-mêmes ».
Toutefois, cette approche du droit n'est pas universelle. Des ordres juridiques
considérables, comme le droit anglo-normand, font reposer la force de la règle
juridique sur un consensus sociétal, d'essence culturelle16. En France, cette thèse
répandue par Jean-Jacques Rousseau et sa théorie du contrat social a séduit, un
moment, les primo-révolutionnaires individualistes et libéraux. Toutefois, survint
Bonaparte, génétiquement pétri de culture juridique romaine qui veut que la loi
émane d'une autorité supérieure personnifiant la cité. Tant par la forme qu'au
fond, la codification napoléonienne ramena la France dans l'antique sillon de la
conception téléologique et autoritaire du droit.
Néanmoins, que le droit soit construit par les hommes comme cela est généralement admis de nos jours17 ou qu'il soit tenu pour une donnée imposée par
une force immanente, dans tous les cas, le droit est le propre de l'homme. En tant
que telle, cette éthologie construite par nos sociétés diffère des éthologies essentiellement innées des sociétés animales.
Éthologie et éthique comme sources des règles juridiques. Dans une contribution aux Mélanges dédiés à Gérard Farjat (précitée), reprenant une image évocatrice développée, dans mes cours, avec un apparent succès18, je me suis efforcé de
montrer que le processus de formation de la règle du droit observée, dans une
société donnée, reproduisait celui de la diagonale du parallélogramme représentant la résultante des forces antagonistes en présence dans une conjoncture déterminée. À ce moment précis, l'organisation sociétale en cause se caractérise par des
équilibres que ne mettront en péril que des changements positifs, dits « progrès »,
ou négatifs, dits « régressions ».
existe de nombreux cas où le concept d'état sociétal s'exprime par d'autres suffixes (cf. bravoure, aliénation) ou sans aucun suffixe (liberté, égalité, indépendance...). Sur le plan où nous
nous plaçons, il nous paraît juste et efficient de distinguer le concept d'humanitude de celui
d'humanité. Ce dernier terme désigne tantôt l'ensemble des hommes vivants à une période
donnée, tantôt une qualité morale ou un ensemble de valeurs éthiques qui caractérisent un
comportement sociétal idéal. Cette dualité d'usage est suffisamment souvent source de quiproquos pour justifier l'emploi du terme humanitude pour désigner l'ensemble des comportements purement éthologiques de l'espèce humaine.
16. Cette conception de l'origine de la règle de droit que Jean-Jacques Rousseau proposait, de façon fumeuse, est bien celle du common law qui forme la trame des droits dérivés de
l'ordre juridique celto-normand.
17. C. Champaud, « Des droits nés avec nous », in Mélanges Farjat, Frison-Roche 1999.
18. Comme l'une des illustrations de mon analyse tirée du paradigme du parallélogramme
des forces antagonistes, se référait à la navigation à voile, j'incline à penser que le succès pédagogique de la démonstration relevait plus du rêve de vacances évoqué devant ces auditoires de
jeune Bretons qu'à la force de véracité de la démonstration rationnelle que j'enseignais alors à
mes étudiants.

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