Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 219

MARION COTTET

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entre les individus »39. C'est justement cette caractéristique de cessibilité qui a
conduit à reconnaître la patrimonialité des droits auxquels on applique la distinction entre le titre et la finance. En effet, c'est parce qu'elles peuvent faire l'objet
d'une cession indirecte, par le biais de l'exercice d'un droit de présentation, que
les autorisations administratives diverses se sont vu reconnaître une valeur patrimoniale justifiant leur insertion parmi les biens.
Résumant ces caractéristiques sous un angle économique, un auteur affirme
qu'une prérogative juridique, pour être pleinement un bien, doit avoir cumulativement une pleine valeur d'usage, d'échange et de crédit40. La première correspond à l'utilité que le droit est susceptible de procurer à son titulaire. La deuxième représente le prix attribué à l'occasion de la cession de la prérogative, en
fonction du jeu du marché économique. Elle suppose donc que la prérogative
puisse être cédée. La troisième, enfin, renvoie à la possibilité d'utiliser le bien en
garantie auprès des créanciers ; elle est « la valeur que le créancier attribue à un
droit du débiteur lorsqu'il lui confère du crédit, en anticipant son appréhension
éventuelle en cas de défaillance de celui-ci »41. En d'autres termes, alors que la
valeur d'échange renvoie à la cessibilité du bien, la valeur de crédit dépend de la
saisissabilité de celui-ci. Tout droit a une valeur d'usage, mais il ne devient un
bien que lorsque sa valeur d'usage lui confère une valeur d'échange, voire de crédit. Seule cette valeur d'échange permet de créer un marché, lequel implique, sur
le plan juridique, l'attribution de la qualification de biens aux éléments échangés
dans le commerce. C'est la raison pour laquelle saisissabilité et cessibilité participent des caractéristiques du bien. Si l'absence de l'une de ces caractéristiques n'est
pas nécessairement exclusive de la qualification de bien42, il reste que la saisissabilité et la cessibilité sont des caractéristiques patrimoniales dont la réunion permet à un bien d'être pleinement qualifié comme tel.
Sur la base de ce constat, la solution suivante peut être proposée pour définir
le régime patrimonial des droits entrés en communauté : les pouvoirs ayant trait
aux caractéristiques de la patrimonialité que sont la cessibilité et la saisissabilité relèveraient de la propriété du droit, commune aux deux époux et soumis à leur gestion
concurrente ; les autres pouvoirs, conférés par le droit lui-même, se rattacheraient à la
titularité du droit, propre à l'un des époux et soumis à sa gestion exclusive.
L'application de ces principes de solution conduit à réserver à la gestion exclusive de l'époux titulaire du droit toutes les prérogatives qu'il tient de sa qualité de
titulaire. S'agissant des droits sociaux, par exemple, le système envisagé rejoint les
39. R. Libchaber, Rép. civ. Dalloz, v° Biens, spéc. n° 8.
40. M. Mignot, « La notion de bien, Contribution à l'étude du rapport entre Droit et
économie », RRJ 2006, p. 1807, spéc. n° 70.
41. Ibid., n° 92.
42. En ce sens, sur l'idée qu'il existe des degrés dans la patrimonialité, v.  M.  Mignot,
art. préc., n° 70 ; P. Catala : « Les transformations du patrimoine dans le droit civil moderne »,
RTD civ. 1966, p. 185, spéc. n° 25 s.
Sur l'idée que l'incessibilité d'un droit ne s'oppose pas à son caractère patrimonial, v. par
ex., au sujet des stock-options, E.  Naudin, « Les stock-options à la dissolution du régime
matrimonial », AJ Famille 2002, p. 290.
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