Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 309

EMMANUEL JOUFFIN

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(art. 8 et 9). Or, l'article 5 de la directive prévoit qu'une pratique commerciale
déloyale doit être, cumulativement11, contraire à la diligence professionnelle et
« altérer ou [...] susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement
économique ». La question qui se pose est de savoir si ces critères cumulatifs ont
une emprise générale et s'appliquent ainsi pour les pratiques commerciales trompeuses. On notera que si la CJUE n'était saisie que de la question des pratiques
commerciales trompeuses, un raisonnement par analogie est tout à fait envisageable s'agissant des pratiques commerciales agressives.
3. Le raisonnement tenu par la Cour, techniquement fondé, produit en
revanche des effets pour le moins incongrus, dès lors que l'on examine ses effets
en droit français. La CJUE déclare en effet, dans le considérant 48 de sa décision,
que : « la directive sur les pratiques commerciales déloyales doit être interprétée
en ce sens que, dans le cas où une pratique commerciale satisfait à tous les critères
énoncés à l'article 6, paragraphe 1, de cette directive pour être qualifiée de pratique trompeuse à l'égard du consommateur, il n'y a pas lieu de vérifier si une telle
pratique est également contraire aux exigences de la diligence professionnelle au
sens de l'article 5, paragraphe 2, sous a), de la même directive pour qu'elle puisse
valablement être considérée comme déloyale et, partant, interdite au titre de l'article 5, paragraphe 1, de ladite directive ».
Cette pétition de principe s'appuie sur une analyse téléologique du texte, la
Cour estimant12 que son interprétation « est la seule qui soit de nature à préserver
l'effet utile des règles particulières prévues aux articles 6 à 9 de la directive sur les
pratiques commerciales déloyales. En effet, si les conditions d'application de ces
articles étaient identiques à celles énoncées à l'article 5, paragraphe 2, de la même
directive, lesdits articles seraient dépourvus de toute portée pratique, alors même
qu'ils ont pour but de protéger le consommateur contre les pratiques commerciales déloyales les plus fréquentes ».
4. La Cour se fonde donc sur une analyse qu'elle veut la plus objective possible
et qui conduit à une appréciation des pratiques commerciales trompeuses excluant
toute évaluation du comportement du professionnel concerné. Il est toutefois
piquant de constater que la directive 2008/48 relative au crédit à la consommation13 énonce dans son considérant 20 : « La connaissance réelle que le prêteur
[sic]14 a des coûts devrait être évaluée objectivement en tenant compte des règles
de diligence professionnelle ». Comment une directive peut-elle estimer, sur une
question aussi sensible que celle de l'information tarifaire, que l'appréciation du
11. CJUE, 9 nov. 2010, no C-540/08, Mediaprint : D. 2010, 2829 ; Contrats, conc.
consomm. 2011 no 1, p. 42 et s., obs. G. Raymond ; D. 2011, no 14, p. 975 et 976, obs.
N. Sauphanor-Brouillaud.
12. Considérant 46.
13. Directive 2008/48/CE du 23 avr. 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.
14. On peut se demander s'il n'y a pas là une coquille. Il s'agit plus vraisemblablement de
l'emprunteur que du prêteur, ce dernier ayant nécessairement connaissance des tarifs qu'il
détermine.

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