Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 41

De l'effet automatique de la compensation
Lionel Andreu
Professeur à l'Université de Poitiers
1. Les réflexions sur la théorie générale des obligations ne s'épuisent jamais. Le
droit se transformant sans cesse, il y aura toujours un législateur, un juge ou un
savant, pour oeuvrer à en faire évoluer jusqu'aux figures les plus élémentaires. Les
travaux du dédicataire de ces lignes en témoignent, qui n'ont cessé de proposer des
théories nouvelles, dont la réception permettrait de mieux expliquer le droit positif et
de sécuriser sa mise en œuvre pratique1. Mais ils approfondissent et défendent aussi
des théories classiques que la cohérence, l'équilibre et le génie vouent à une nécessaire
survie, et qui ne sauraient être renversées par pur esprit de modernisme. Le principe
de l'effet automatique de la compensation fait peut-être partie de ces dernières. La
règle de l'effet automatique de la compensation fait peut-être partie de ces dernières. Consacrée par le Code civil, elle signifie que la compensation légale -
comme son nom l'indique - opère par l'effet de la loi, au moment où les conditions en sont réunies, et indépendamment de la volonté des obligés. C'est en tout
cas ce qu'énonce clairement l'article 1290 du Code civil, selon lequel « la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent
exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ». Mais en dépit
de cette consécration expresse, la règle subit depuis une cinquantaine d'années des
assauts doctrinaux répétés, qui tendent à sa disparition du discours doctrinal et sa
suppression des textes du Code civil - principalement depuis les travaux de
M.  Mendegris qui proposa de reconnaître « la nécessité de déclencher le mécanisme compensatoire pour qu'il produise son effet »2. Ici, comme ailleurs, le droit
allemand fait figure de modèle pour les partisans de cette remise en cause. OutreRhin, la compensation opère en effet par une déclaration unilatérale de volonté
adressée par l'une des parties à l'autre (§ 388 BGB). Elle n'est alors plus légale,
mais volontaire, à tel point qu'en cas de pluralité de créances, celui qui compense
peut désigner celle qu'il désire éteindre (§ 396 BGB). Or c'est précisément ce système qui attire de nombreux auteurs faisant valoir qu'en droit français également
la compensation présenterait en réalité un « caractère volontaire »3.
1. Pour une présentation sommaire de l'œuvre du dédicataire de ces Mélanges, v. l'avantpropos de P. Rémy-Corlay, supra, V.
2. R.  Mendegris, La nature juridique de la compensation, préf. P.  Catala, LGDJ, 1969,
v. spéc. n° 95.
3. A. Collin, Du caractère volontaire du déclenchement de la compensation, RTD civ. 2010,
p. 229. Sur le droit allemand, v. par ex. M. Pédamon, Le contrat en droit allemand, LGDJ,
2e éd. 2004, n° 197 et s.
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