Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 46

DE L'EFFET AUTOMATIQUE DE LA COMPENSATION

jugement d'ouverture d'une procédure ne peut être remise en cause du fait de
cette ouverture, puisque le créancier concerné se contente alors de se prévaloir de
cette extinction advenue sans la déclarer lui-même21. Enfin, on admettra également que l'effet immédiat de la compensation puisse rendre de mauvaise foi, et
l'exposer à des dommages-intérêts, le créancier qui poursuit son débiteur en dépit
de la compensation intervenue22 - ce qui n'a pas de sens s'agissant d'une compensation opérant par déclaration de volonté lorsqu'aucune notification n'a été adressée à l'autre partie.
9. Il reste qu'un tel système suppose des règles particulières pour en assurer un
fonctionnement optimal, dont certaines visent à réintroduire une part de volonté
dans le jeu de la compensation. Mais non plus en amont, au stade de l'extinction
des obligations, mais en aval, c'est-à-dire après que la compensation a produit son
effet extinctif. Ainsi, il est clair qu'en optant pour le système de la compensation
légale, le législateur n'a nullement imposé aux intéressés une extinction des obligations à laquelle ils ne sauraient jamais échapper. Conçu pour les dispenser d'exprimer leur volonté de compenser, le système de la compensation légale tolère
qu'on leur laisse la possibilité, par leur volonté ou leurs actes, d'écarter a posteriori
celle-ci dans certaines situations - que l'on détaillera plus longuement dans un
instant. Loin de remettre en cause le principe d'une compensation automatique
au jour où les conditions en sont réunies, ces règles concilient la souplesse du
système, qui permet une extinction de l'obligation avant toute manifestation de
volonté, et les besoins des individus, qui doivent pouvoir remettre en cause cette
extinction dans les cas exceptionnels où elle ne leur serait pas profitable. En foi de
quoi se trouve assuré l'équilibre du système de la compensation légale, qui justifie
sa pleine réception dans le droit français des obligations.

B. La réception de l'effet automatique de la compensation
10. Que la règle de l'automaticité de la compensation soit de droit positif ne
nous semble faire aucun doute. Si les auteurs tentent parfois de déduire de
quelques articles ou solutions son inexistence, il semble clair qu'entre les deux
systèmes concevables le législateur de 1804 a clairement tranché (cf. l'article 1290
préc.). Et outre que ce choix doit être respecté, il est loin d'être acquis que les
quelques solutions qu'on invoque à l'encontre de l'automaticité soient véritablement en mesure de faire pencher la balance à l'opposé de toutes celles qui la
consacrent nettement23. Si bien que la seule question qui subsiste est de savoir s'il
faut conserver la règle dans l'optique de la réforme du droit des obligations ou s'il
faut la renverser. De nombreux auteurs préfèrent la seconde solution, et il faut
admettre qu'un souci d'ouverture sur les autres droits européens milite en faveur
d'une telle évolution. Après tout, le système de la compensation par déclaration
21. Par ex., Cass. com., 5 déc. 1995, n° 94-10990, Bull.
22. D. R. Martin et L. Andreu, fasc. préc. n° 3.
23. V., supra n° 7 et 8 ; infra, n° 14 et s. ainsi que 19 et s.

Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin

Table des matières de la publication Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin