Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 67

CATHERINE BARREAU

Il n'y a pas d'obstacle dirimant à ce que le tiers s'engage dans l'acte même de
cession. Il prend alors la qualité d'intervenant à l'acte et y souscrit un engagement
personnel de ne pas concurrencer le cessionnaire. Cette stipulation doit respecter
les conditions légales et réglementaires de la clause de non-concurrence au regard
de la qualité des parties notamment. Dès lors, la souscription de cet engagement
par un salarié soulèvera la question de la contrepartie pécuniaire. La souscription
d'un tel engagement peut également être le fait d'un tiers qui n'est pas lié au cédant
par un contrat. L'exploitation de nombreux fonds de commerce est en effet le fait
de commerçants assistés par des collaborateurs familiaux, notamment leur
conjoint. Ce dernier, comme le descendant ou l'ascendant du commerçant, n'est
pas copropriétaire du fonds cédé. Aucun d'eux n'a vocation à consentir à sa cession
mais le laisser libre de s'installer dans la même activité et dans la même zone de
chalandise ou de se faire embaucher par un concurrent du cessionnaire peut entraîner le détournement de la clientèle cédée et le recours à la garantie d'éviction du
fait des tiers contre le cédant. Toutefois, cette garantie, légalement due par le
cédant du fonds, risque de s'avérer insuffisante pour assurer la protection du cessionnaire. La mise en œuvre de la garantie lui permettra d'obtenir soit la résolution
du contrat27, soit l'exécution forcée de l'obligation personnelle de non-concurrence du cédant seulement, soit l'allocation de dommages-intérêts à titre de réparation par équivalent mais seulement là aussi pour sanctionner la violation de
l'obligation de non-concurrence du seul cédant également. Ces règles valent que le
cédant soit une personne physique ou une personne morale. Si le collaborateur a
souscrit un engagement personnel, la sanction de la violation de celui-ci est probablement possible, notamment sous forme d'un dédommagement voire d'une
injonction de cesser l'activité interdite. Le plus souvent, le cessionnaire n'a pas fait
souscrire d'engagement personnel aux collaborateurs du cédant absents lors de la
signature de l'acte. Dès lors, la question se pose de savoir si, en dehors même de
leur intervention au contrat et notamment de leur présence à la signature28, ils
peuvent être tenus de s'abstenir de concurrencer le cessionnaire ?
Ils pourraient avoir donné mandat au cédant de souscrire un tel engagement.
Contrat par lequel une personne, le mandant, donne à une autre personne, le
mandataire, le pouvoir de faire un ou des actes juridiques en son nom et pour son
compte, le contrat de mandat convient ici. Cette possibilité théorique est peu
(pas) illustrée par la jurisprudence. Cela ne veut pas dire qu'il n'en est pas fait
usage mais plus probablement que l'on y recourt sans que cela génère un contentieux publié. Toutefois, on peut sans difficulté imaginer de nombreuses opérations de cession dans lesquelles le mandat n'aura pas été confié, faute d'avoir été
sollicité, par les tiers en question au cédant. Que faire si, au moment même de la
signature de l'acte par exemple, la question se pose et que l'urgence ne permet pas
27. Sanction normale de la violation d'un contrat, son caractère rétroactif est gênant. Le
manquement à l'obligation de garantie peut ne pas être suffisamment grave.
28. Ce contrat contient des modalités conventionnelles (prix en particulier) que les
tiers n'ont pas à connaître. La signature de ces actes de cession est un moment éventuellement délicat entre les parties, la présence physique de participants supplémentaires doit être
limitée.

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