Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 74

LA TRANSMISSION DES CLAUSES DE NON-CONCURRENCE

obligations permet certes au monde des affaires de réaliser des prouesses. Mais
l'utilisation du droit civil dans le monde des affaires ne doit pas conduire à bafouer
les principes du droit privé. La liberté contractuelle peut limiter l'incidence de la
liberté de la concurrence, non la supprimer. Les limitations sont connues : toute
disposition qui produit un effet analogue à un engagement de non-concurrence
doit être subordonnée aux conditions exigées de ce type d'engagement. Certes le
décorticage de la jurisprudence montre qu'aucune obligation de non-concurrence
n'a été transférée et que le cessionnaire ne peut faire valoir son droit exclusif sur la
clientèle cédée que par le jeu de l'indemnité compensatrice. Mais n'est-ce pas ce
que recherche en réalité tout créancier d'une clause quelconque de non-concurrence ? Plus qu'une abstention réelle, une compensation pécuniaire, tel un péage
pour accéder à la clientèle ? Le débat juridique devient alors celui de la monétisation de l'obligation de non-concurrence à l'occasion de sa transmission. C'est
particulièrement vrai s'il est question de transmission active. Est-il possible dans
un environnement concurrentiel libre de la banaliser ?

II - La banaLIsatIon dIscutabLe de La transmIssIon actIve
de L'obLIgatIon de non-concurrence
Bien que facilement reconnue par la jurisprudence, la transmission active des
clauses de non-concurrence serait dépourvue de fondement solide. La pratique
n'a alors pas hésité à délaisser le droit des obligations comme source d'inspiration
des conventions proposées aux cessionnaires avides de sécuriser leur investissement dans un droit de clientèle pour s'appuyer sur le droit des biens. Étrangement les juges ont suivi, affranchissant les bénéficiaires du nouveau droit réel ainsi
créé de toutes les contraintes liées à la validité des clauses de non-concurrence.
Une nouvelle fois la volonté de monétiser la clientèle a balayé les notions de droit.
Cependant, la résistance doctrinale s'organise.

A. L'introuvable fondement de la banalisation au regard du droit des
obligations
Tous les manuels et encyclopédies, monographies et articles traitant de ce sujet
ont depuis longtemps souligné que la transmission de la créance de non-concurrence aux ayants cause à titre universel des parties originaires est possible
lorsqu'une double condition est remplie :
- d'une part, que le contrat qui contient cette clause ne soit pas marqué par
l'intuitus personae ;
- d'autre part, que ledit contrat n'exclut pas la transmission par une stipulation contraire de préférence expresse, mais qui au regard du droit commun pourrait probablement être implicite et résulter de l'économie de la convention et donc
de son interprétation par le juge.

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