Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 80

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LA TRANSMISSION DES CLAUSES DE NON-CONCURRENCE

variante de cette théorie a consisté à avancer l'idée que la créance de non-concurrence ferait partie des éléments du fonds et le suivrait en quelques mains qu'il se
trouve. Ainsi Jauffret écrivait-il que « le droit à exiger le non-rétablissement du
vendeur s'est incorporé à la clientèle, élément essentiel du fonds, il s'est donc
identifié avec la chose vendue c'est-à-dire avec le fonds »65. Cette conception
heurte de front la conception classique du fonds de commerce selon laquelle les
créances et dettes d'un commerçant ne font pas partie du fonds66. La perception
contemporaine de la notion de fonds de commerce ne tend à y intégrer, si les
parties en ont manifesté la volonté expresse, que quelques créances. La création
du patrimoine affecté de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée67 pourrait rebattre les cartes : la créance de non-concurrence entre dans ce patrimoine
d'affectation68 et comme il peut faire l'objet d'une transmission globale, la créance
peut ainsi être transmise69. Cette cession maintient le patrimoine d'affectation qui
est repris pas le cessionnaire. Cette création récente est de nature à renouveler
enfin le débat relatif à la transmission active de la clause de non-concurrence,
voire celui de la transmission passive. Il est enfin possible d'invoquer un cas de
transmission légale obligatoire de la créance de non-concurrence. Qu'il nous soit
permis ici de saluer les remarques prophétiques de Serra : « la créance de nonconcurrence étant l'un des principaux droits personnels, la seule mention de l'élément clientèle lors de la cession, implique par là même la transmission de cette
créance à l'acquéreur du fonds. Il s'agit d'une cession de créance expresse »70.
M. Gomy les complétait ainsi : « la créance n'est plus alors un élément extérieur
au fonds de commerce que l'on ne peut transmettre avec lui mais elle devient
partie intégrante de celui-ci et, de ce fait, transmissible »71.
Une dernière voie au sein du droit des obligations a été envisagée : celle passant
par les chaînes de contrats. Inspirée par les travaux du professeur Teyssié72, elle
consiste à considérer que la chaîne des contrats de cession portant sur la clientèle
confère à chaque acquéreur la titularité de la créance de non-concurrence. L'ayant
cause à titre particulier n'est plus un tiers mais un membre de l'ensemble contractuel. Cette théorie a été consacrée à notre connaissance dans le cadre d'une cession
de droits sociaux et à propos d'une clause compromissoire, mais pas encore à propos
de cessions de clientèle et de clauses de non-concurrence73, mais sur le fondement
65. Jauffret, Les éléments nouveaux du fonds de commerce, Mélanges Ripert, t. 1, p. 41.
66. P. Le Floch, Le fonds de commerce - Essai sur le caractère artificiel de la notion et ses
limites actuelles, LGDJ, 1986.
67. Loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 et Ord. n° 2010-1512 du 10 déc. 2010. C. Barreau,
Les dispositifs tendant à limiter le risque entrepreneurial, Defrénois 2011, art. 39213, p. 529 et s.
68. C. com. art. L. 526-6 al 2 : elle fait partie selon nous des droits, biens, obligations et
sûretés obligatoirement affectés car nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle.
69. C. com. art. L. 526-17.
70. Serra, op. cit., n° 164.
71. M. Gomy, op. cit., n° 60366.
72. B. Teyssié, Les groupes de contrats, LGDJ. 1975.
73. Cass. civ. 1, 10 oct. 2012 : D. 2012, 2995, obs. T. Clay ; Bull. Joly sociétés 2013, 18,
note A. Couret ; Gaz. Pal. 6 janv. 2013, 18, note D. Bensaude.
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