Précis Domat - Droit international et européen de l'environnement - 3e - 116

DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN DE L'ENVIRONNEMENT

moyen16. Le tribunal de grande instance de Nancy avait en 2008 condamné
Kokopelli au paiement de dommages et intérêts à une entreprise pour concurrence
déloyale en mettant en vente des graines de semences potagères ne figurant ni sur le
catalogue français ni sur le catalogue commun des variétés des espèces de
légumes. Dans un contexte assez complexe, Kokopelli a perdu devant la CJUE,
mais la décision pose quelques principes intéressants. La Cour expose par exemple
(considérants 83, 84,85) que « le choix des consommateurs est limité. Ils n'ont ni
accès aux denrées alimentaires ou aux autres produits issus de variétés qui ne
satisfont pas aux critères d'admission, ni la possibilité de cultiver eux-mêmes ces
variétés, par exemple dans leur propre jardin [...] Le fait que les agriculteurs
soient cantonnés à des variétés admises réduit enfin la diversité génétique dans
les champs européens, étant donné que moins de variétés sont cultivées et que les
populations de ces variétés présentent des différences génétiques moins importantes entre chaque individu ... Si la biodiversité n'est pas expressément visée dans les
traités en tant qu'objectif de politique européenne, il n'en demeure pas moins que
l'Union s'est engagée, notamment par la convention sur la diversité biologique à
la protéger, et la Cour l'a d'ailleurs déjà reconnue en tant qu'objectif digne de
protection ».
La Cour estime que (considérants 86, 87) que « certes, des banques de semences et une mise en culture géographiquement limitée peuvent contribuer à la
conservation de variétés non admises, mais de telles mesures sont typiquement tributaires d'un financement public. L'exploitation économique des variétés non
admises garantirait, en revanche, de manière nettement plus forte la conservation
de celles-ci et contribuerait également en pratique à une plus grande diversité
biologique... Selon les considérants de la directive en question et les arguments
des parties, notamment du Conseil et de la Commission, il n'apparaît pas que,
jusqu'à l'adoption de la directive relative aux dérogations, le législateur ait tenu
compte de ces intérêts ».
Sur le plan des principes, cela constitue une avancée : sur le plan pratique,
cependant, le système rend extrêmement compliquées la valorisation ex situ et la
commercialisation de semences atypiques, tout en posant également la question
de la liberté individuelle du jardinier amateur selon les mêmes termes où elle
avait été posée quand l'administration française s'était mise en tête d'éradiquer le
purin d'ortie !
Au-delà de la question, cela illustre les difficultés de l'Europe, reflet de celles
existant dans la communauté internationale, à concilier une politique globale de
protection de la diversité biologique et la mondialisation du commerce
international...
On soulignera cependant et surtout que la nature des outils utilisés marque une
certaine souplesse dans la volonté européenne d'harmonisation européenne dans
l'application des textes concernés : ici on choisira le règlement (CITES) et là la
directive (ressources phytogénétiques) selon l'embarras des États... les rôles respectifs et les marges d'interprétation des juridictions nationales et de la CJUE, évidemment, varient en fonction.

■ 16. http://kokopelli-semences.fr.
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http://www.kokopelli-semences.fr
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