Précis Domat - Droit international et européen de l'environnement - 3e - 122

DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN DE L'ENVIRONNEMENT

Dès 1988, par exemple, dans sa condamnation de la France par sa décision du
27 avril 198832, elle traite du problème des dérogations en les reliant de manière très
pédagogique au but principal de la directive, qui est d'assurer une protection complète. L'article 2 de l'arrêté du 17 avril 1981 qui fixait à l'époque la liste des oiseaux
protégés sur le territoire français permettait la destruction des nids et œufs de la
mouette rieuse et du goéland argenté, concernés par l'article 5 de la directive, pendant la période de chasse. La Cour note que les nids sont réutilisés d'année en
année. Elle rappelle que la directive (article 9, a), permet des dérogations pour « prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et
aux eaux ». Au demeurant, avec la légèreté qui caractérise souvent l'attitude de la
France en matière de nature33, la procédure nécessaire n'avait pas été respectée.
Légèreté que l'attitude des différents gouvernements à propos des chasses traditionnelles a clairement reflétée34.
L'article 8 paragraphe 1er de la directive proscrit les « moyens, installations ou
méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant
entraîner localement la disparition d'une espèce, et en particulier ceux énoncés
énumérés à l'annexe IV, sous a ». Le texte n'autorise que « dans des conditions
strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention, ou toute
autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités ».
Or, le droit français de la chasse permettait l'utilisation de quelques moyens,
comme les appeaux aveuglés, les gluaux et de filets, notamment pour la chasse
aux grives et aux alouettes35, qui ne satisfont pas à cette condition de sélectivité.
La Commission, dans l'espèce de 1988, n'avait certes pas assez travaillé son
dossier36, mais sans accepter expressément ces chasses37.
De chicane en chicane, les autorités françaises38 ont, tout en évoluant, poussées
par les diverses et nombreuses condamnations de tribunaux administratifs ou du
Conseil d'État, marqué de manière récurrente leurs réticences à l'égard de la directive de 197939. L'adoption d'un « guide interprétatif » sous l'égide de la
Commission40 à la rédaction duquel chasseurs et écologistes ont travaillé, et qui
servira de base à l'édiction d'une recommandation par la Commission à échéance
d'un an, est peut-être de nature à limiter les effets irritants de ces dysfonctionnements volontaires et répétés : le raisonnement développé repose sur l'idée qu'entre
les interprétations des uns et des autres, un raisonnement mesuré reposant sur des

■ 32. Voir J. U
, « Des petits oiseaux aux grands principes », RJE 4/1988 p. 455 et s.
■ 33. Comme la Belgique ne les avait pas respectés pour les moineaux domestiques, les moineaux friNTERMAIER

quets, et les étourneaux sansonnets (la capture et la destruction en étaient autorisées) : la Belgique a d'ailleurs été condamnée de ce chef le 8 juillet 1987.
34. Voir R. ROMI, chronique de droit de la chasse, « 1989 : l'année des rendez-vous manqués », RJE
2.1989, p. 173.
35. Voir J. UNTERMAIER, comm. préc., « Des petits oiseaux aux grands principes », op. cit., p. 465 et s.
36. L. KRÄMER, P. KROMAREK, Chronique de droit communautaire de l'environnement, no 3/1988 de la
RJE, p. 307 et s.
37. « Des petits oiseaux aux grands principes », op. cit., pp. 470-478.
38. V. R. ROMI, Droit et administration de l'environnement, Montchrestien, coll. « Domat », 5e éd.,
2010, pp. 304-305.
39. Idem.
40. V. Le Monde, 14 oct. 2004, p. 6.

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