Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 119

UN DROIT EN CONSTRUCTION (1936-1968)

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Tout au long de la période, le ministère du Travail joue un rôle majeur
dans la production de cette idée commune. Dès 1945, le grand ministère
social qui existait avant guerre est découpé en deux entités : d'une part un
ministère de la Santé publique et d'autre part, pour reprendre les termes
de Claude Chetcuti, un ministère de « la régulation juridique des rapports
collectifs et individuels du travail et de l'encadrement juridique des institutions de prévoyance »17. Les deux logiques, « administrativo-réformiste »
d'une part, syndicale de l'autre, se rejoignent provisoirement après guerre,
avec l'arrivée au ministère du Travail d'Alexandre Parodi, puis d'Ambroise
Croizat, ouvrier métallurgiste, militant syndical et membre de la CGT, en
poste jusqu'au renvoi des ministres communistes par Paul Ramadier en
1947. Les ministères du Travail deviennent alors l'apanage presque exclusif
du MRP : Paul Bacon est le ministre du Travail quasi inamovible de la
IVe République et des débuts de la Ve République ; avec l'aide de la CFTC,
il défend un droit du travail fondé sur la facilitation de la négociation et
de la « participation » des salariés dans les entreprises, autrement dit sur le
rapprochement entre capital et travail18.
Dès lors que les préoccupations sociales sont plus liées aux enjeux
collectifs (en particulier en termes de classes sociales) qu'aux enjeux individuels, les normes contribuant à la protection juridique des salariés, au sens
où on l'entendait dans les années 1900-1910, deviennent moins nombreuses.
Quelques mesures sont néanmoins prises durant ces décennies : la loi du
11 février 1950, la même que celle qui organise les conventions collectives,
instaure le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et la loi du
27 mars 1956 accorde aux salariés une troisième semaine de congés payés. Il
en va de même de la formation des salariés, qui commence dans les années
1960 à être considérée comme un droit, en particulier parce qu'elle peut
protéger du chômage et qu'elle est gage d'une forme de promotion culturelle. Citons la loi du 23 juillet 1957 sur le congé d'éducation ouvrière, celle
du 31 juillet 1959 intitulée sobrement « diverses dispositions tendant à la
promotion sociale », celle du 28 décembre 1959 qui organise la formation
interne ou universitaire des cadres syndicaux, et enfin la loi-cadre du
3 décembre 1966 sur la formation et la promotion des salariés : ce dernier
texte fait de la formation professionnelle une « obligation nationale »,
qui doit être l'objet d'une « politique coordonnée et concertée ». Mais le
principal dispositif datant des années 1940 concerne la santé des travailleurs.
Peu avait été fait sur cette question depuis la loi sur les accidents de travail
17. ChetCuti Cl., « Témoignage », in Chatriot a., Joint-Lambert o. et viet v. (dir.),
Les politiques du travail (1906-2006). Acteurs, institutions, réseaux, Presses universitaires
de Rennes, 2006, p. 123.
18. béthouart B., Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. De la Libération au
début de la Ve République, Presses universitaires de Rennes, 2006.

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