Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 162

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LE TEMPS DE LA DOCTRINE

Dans l'opposition du droit individuel et du droit social de Georges
Gurvitch, Louis Le Fur voit « deux éléments du droit [plutôt] que deux
droits distincts »61 : tout droit est à la fois social et individuel, il vise la
meilleure organisation de la société pour le plus grand bien de l'individu.
Le pluralisme lui semble donc un complément aux principes de subordination et de coordination du droit étatique, auxquels il ajoute les idées
d'intégration, de communion ou de collaboration62. Quant aux critiques sur
la nouveauté du droit de classe, Jean Dabin rappelle qu'au regard de l'histoire, « la nouveauté résiderait plutôt dans le phénomène du droit commun
national, valable pour tous les citoyens »63. L'idée d'un droit de classe est
donc légitime et nécessaire64 - à condition d'en faire des applications « pertinentes et modérées »65. Dans un contexte de fortes inégalités économiques,
Dabin admet ainsi que les catégories juridiques sont celles de la classe qui
fait les lois, non pas tant « par esprit de domination, [que] par ignorance des
besoins des autres classes. Le type commun se ramène à un type particulier
pris pour le type commun »66. La justice imposant à l'État de secourir les
plus faibles, la législation ouvrière devrait donc prévenir les abus suscités
par les inégalités économiques, « spécialement à l'égard de la loi contractuelle qui résultera de l'accord des parties »67. Contre les arguments précités
de ceux qui dénoncent les menaces que le corporatisme ferait peser sur la
paix sociale, Dabin demande si « la paix sociale sera mieux servie par un
déni de justice que par l'accueil des revendications légitimes ? »68. Le danger
n'étant pas tant dans le principe que dans les exagérations de celui-ci, il
lui semble en effet que la réaction sera d'autant plus « vigoureuse, que le
principe aura été pleinement accepté »69.
des sources du droit, élaborée sous l'influence des illusions, aujourd'hui dissipées, qu'avait
fait naître la codification, continue à circuler même dans les œuvres récentes de notre
littérature juridique ».
61. Le Fur L., « Droit individuel et droit social. Coordination, subordination ou intégration », APD, 1931, n° 3-4, p. 283.
62. Suggérant un dépassement de l'opposition individualisme/étatisme, Le Fur considère
que si l'existence de corps intermédiaires est un fait acquis, « il ne faut pas, par une réaction
excessive en faveur du droit social, nier soit les droits subjectifs, soit au contraire l'autorité
de l'État, qui a été longtemps le plus important des groupes sociaux et qui n'est pas près de
voir son rôle devenir inutile » (ibid., p. 308).
63. D abin J., « Droit de classe et droit commun. Quelques réflexions critiques »,
Introduction à l'étude du droit comparé. Recueil en l'honneur d'Edouard Lambert, Sirey,
LGDJ, 1938, t. III, p. 67. Dans le même volume, voir BessLing J., « Le fait syndical et les
transformations des principes fondamentaux du droit », p. 80 et s.
64. Dabin J., « Droit de classe [...] », op. cit., p. 75 : « Un ordre dédaignant les classes serait
un ordre faux », c'est-à-dire « inadéquat à sa matière » et « inférieur à sa fin ».
65. Ibid., p. 69.
66. Ibid., p. 75.
67. Ibid., p. 73.
68. Ibid., p. 76.
69. Ibid., p. 76.

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