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LE DROIT OUVRIER ET LES PRATIQUES OUVRIèRES

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privatistes ne s'intéressent pas et que certains regardent même d'un œil
très critique8.
Chacun le sait, jusqu'au dernier tiers du xixe siècle, la législation industrielle n'est pas présentée par les privatistes parmi les divers droits spéciaux
qui se sont développés depuis 1804 en marge du droit civil, comme le
montre la cinquième édition du Cours d'Aubry et Rau, pourtant éditée
en 1897 alors que Paul Pic a déjà publié son cours. Elle est à cette époque
enseignée par les économistes, sous la forme par exemple de cours d'économie industrielle, et pas, ou peu, par les juristes. Les choses évoluent
dans les dernières années du siècle et le début du suivant9, assez lentement
d'ailleurs, mais de sorte malgré tout que cette nouvelle discipline juridique
émerge en même temps que son enseignement10, grâce au Traité élémentaire
de législation industrielle de Paul Pic11 qui paraît de 1894 à 1931, et au Cours
élémentaire de législation industrielle de Georges Bry, édité six fois de 1895
à 1921. Si, en 1909, le Dictionnaire pratique de droit publié chez Dalloz
par Charles Vergé et Gaston Griolet ne comporte pas d'entrée Législation
industrielle, Charles Lyon-Caen et Louis Renault12 emploient l'expression,
signalant au passage qu'elle vise des matières sans grand rapport les unes
avec les autres. Quoique, jusqu'en 1910 au moins, l'unité de cette « branche
du droit » (selon l'expression de Charles Lyon-Caen et Louis Renault) ne
soit pas perçue par tous et que certains distribuent les différentes matières
qui la composent dans des catégories éprouvées, le droit administratif ou le
droit commercial, son développement apparaît même désormais conforme
aux réquisits d'un droit naturel renouvelé, censé exprimer un idéal de justice
8. Paul Pic par exemple, à partir des exemples italien et allemand, reproche au corporatisme
de ne pas se distinguer de l'économie dirigée (PiC P., « Le corporatisme contemporain »,
Revue politique et parlementaire, 1934, p. 393-410 et « La corporation dans l'État fasciste »,
ibid., p. 349-363).
9. Voir Aubin g. et Bouveresse J., Introduction historique au droit du travail, 1995,
n° 289 et s. Après la Libération, les expressions « législation industrielles » ou « droit du
travail » (employée par Levasseur dans les Études offertes à G. Ripert, t. ii, p. 448) cèdent la
place à « législation sociale », « droit social », constate Georges Ripert (Les forces créatrices du
droit, Paris, 1955, p. 251), sans doute en conséquence des droits sociaux proclamés en 1946.
10. Voir LekéaL F., « Les origines de l'enseignement de la législation industrielle : enjeux
autour de la création d'un champ disciplinaire », Cahiers de l'institut régional du travail,
n° 9, mars 2001, p. 21, qui relève que l'intitulé « législation industrielle » n'a été l'objet
d'aucun débat au sein du Conseil supérieur de l'instruction. Voilà qui contraste avec les
tergiversations de la doctrine, laissée libre d'appréhender la matière en l'absence de circulaire ministérielle.
11. Sur Paul Pic, voir Bayon d. et Frobert L., « Paul Pic (1862-1944) et les "lois
ouvrières" », RHFD, n° 18, 1997, p. 69-94 ; des mêmes : « Lois ouvrières [...] », op. cit.,
p. 53-80. Son Cours lui vaut les louanges de son collègue lyonnais Édouard Lambert
(Lambert é., « Le droit civil et la législation ouvrière. La fonction dynamique de la jurisprudence et l'interprétation sociologique du droit », Revue générale du droit, 1904, p. 153).
12. Lyon-Caen C. et renauLt L., Traité de droit commercial, 1906-1916, t. i, n° 12.

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