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LE DROIT OUVRIER ET LES PRATIQUES OUVRIèRES

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aux exigences du mariage du code (durée des relations, fidélité, observation
des devoirs d'assistance réciproque et de protection imposés par la loi aux
époux, communauté d'existence). C'est à un « faux ménage » qu'il faut avoir
affaire, c'est-à-dire à des concubins vivant « maritalement », développant
une possession d'état d'époux légitimes ou se comportant « comme s'ils
voulaient acquérir cette possession d'état »76.
Plus fondamentalement, et quoique la famille soit le produit des mœurs,
il revient à la loi de conjurer la diversité des mœurs dans un même état
social en discriminant les bonnes pratiques des mauvaises pour encourager
les premières et réfréner les secondes. Via la « conscience publique » qu'elle
contribue à façonner, la loi reste le censeur des mœurs familiales77. Ceux
qui souhaitent protéger davantage la famille ouvrière en appellent d'abord
à elle et accessoirement à la jurisprudence78. L'amélioration de la condition
physique et morale des ouvriers doit en effet demeurer le fait de l'État,
d'un droit certes socialisé mais étatique79. Le législateur national ne manque
d'ailleurs pas d'intervenir, dessinant progressivement les contours d'un
régime juridique adapté à la famille ouvrière, à travers des lois sociales dont
l'objet principal est bien la famille ouvrière80. Néanmoins, il « serait sans
doute excessif de parler à ce propos, d'un statut propre à la famille ouvrière,
constituant une espèce de droit ouvrier familial », remarque Jean Dabin
en 1938. Les lois de prévoyance et d'assistance n'atteignent pas le « régime
intérieur, organique » de la famille ouvrière, et si la législation et la jurisprudence adaptent parfois à la famille ouvrière, en les nuançant, les principes du
droit commun (relatifs par exemple à l'autorité dans la famille), il n'existe
pas de régime du mariage ou du divorce propre à la famille ouvrière81. Au
fond, il n'existe pas pour le juriste de famille ouvrière82.
Plus généralement, pourquoi les pratiques ouvrières n'accèdent-elles pas
au rang de coutumes ? Il y a, à ce constat, au moins deux séries de raisons,
76. Josserand L., « L'avènement du concubinat », op. cit., p. 46. Voir Cass. crim., 26 nov.
1926, DP 1927.1.73.
77. Lerebours-Pigeonniere P, « La famille et le Code civil », op. cit., p. 265-266. En
réalité, cette référence aux mœurs sert surtout à combattre la législation révolutionnaire,
accusée d'avoir préféré des principes philosophiques aux mœurs traditionnelles.
78. Tissier a., « Le Code civil et les classes ouvrières », op. cit., p. 91.
79. Ce qu'Albert Tissier appelle une « législation démocratique » n'est pas un droit élaboré
par ceux qui sont ses sujets mais une législation qui aide au « développement moral et
matériel » des « masses ouvrières » (op. cit., p. 74).
80. Voir Lenoir r., Généalogie de la morale familiale, Seuil, 2003.
81. Ibid., p. 68.
82. Jean Dabin, dont la pensée n'est pas restée sans influence en France, admettait pourtant
(« Droit de classe et droit commun », op. cit., p. 67), comme M. Leroy, que les différenciations sociales génèrent des « types sociaux » distincts qui prétendent, chacun, à leur statut
propre et faisait remarquer que les classes, en se multipliant, agissent désormais sur le droit
civil, y compris le droit familial, modifiant le statut des individus selon la catégorie dans
laquelle ils sont rangés.

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