Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 19

AVANT-PROPOS

moderne, et le recours à la technique « démocratique » du référendum en
entreprise38, passe par une singulière occultation des rapports de force.

IV - DISPUTES ET DÉBATS SUR LA QUESTION
DU TRAVAIL : JURISTES VS ÉCONOMISTES
Loin du consensus présenté dans les médias généralistes (pour qui la
recherche de la compétitivité et l'augmentation de l'emploi nécessiteraient
un abaissement des coûts et des standards sociaux), force est de constater
que les avis des spécialistes du droit du travail divergent sur le développement de la négociation d'entreprise et l'opportunité d'une réduction
de la protection de la loi sur la partie faible au contrat39. Dans la présentation d'un récent colloque, MM. Jeammaud et Véricel insistaient sur la
nécessité de « proposer un droit de protection/promotion de tout travail et
de tout travailleur »40, seule solution pour sortir le droit du travail français
de la crise dans laquelle il est embourbé. Mais encore faut-il admettre que
l'appréciation des critères d'efficacité qu'on assigne au droit du travail,
sans forcément toujours les définir et les justifier, repose sur des prémisses
idéologiques et culturelles.
Pour certains des économistes qui monopolisent le débat, le lien entre
croissance et emploi est mécanique : le surcroît de chômage en France étant
imputable à la rigidité de son marché du travail, une plus grande flexibilité
du marché de l'emploi serait la solution41. Outre le fait que de tels avis ne
sont pas unanimes, ils ne prennent généralement pas plus en compte la
subordination inhérente aux relations de travail que la question des droits
fondamentaux. Dans ces conditions, le juriste peut-il/doit-il considérer
comme un fait établi l'affirmation d'un lien de causalité entre le droit du
travail et le chômage ? La légitimité propre d'un droit ne se résumant pas
à son efficacité économique (à supposer que celle-ci puisse être définie
38. Les observateurs constatent d'ailleurs l'antinomie qu'il y a entre cette technique
« démocratique » et son organisation dans un lieu qui ne l'est pas (ex. référendum Smart).
La technique du référendum a fait récemment l'objet de critiques de la part de Rousseau D.,
Radicaliser la démocratie. Propositions pour une refondation, Seuil, 2015, p. 123-138.
39. Voir la présentation par Sylvaine Laulom des objectifs et des méthodes de travail du
groupe de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT).
40. Jeammaud A. et VériCeL M., « Échos d'un colloque Réformer le droit du travail :
pourquoi faire ? », SSL, 27 juin 2016, n° 1729.
41. Après avoir dénoncé les caractères « complexe et directif » de la législation du travail,
Jean Tirole juge que « nos institutions du marché du travail » sortent de la « norme internationale » et « fragilisent » le salarié en lui « faisant courir un risque d'exclusion et de
marginalisation » ; TiroLe J., Économie du bien commun, PUF, 2016, p. 348.

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