Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 197

LES CATHOLIQUES SOCIAUX ET LE DROIT DU TRAVAIL

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pas les éléments intellectuels, insiste l'abbé Antoine. [...] Tout ce qui touche
à l'âme est inviolable et lui échappe »24. Plus tard, ce distinguo subtil mais
fondateur permettra de justifier les limites de l'autorité qui s'arrêtent au
seuil de la « vie personnelle ».
Quant à la nature de ce contrat « de travail » ou « de salariat », il ne fait
pas de doute, pour ce courant, qu'elle inclut l'idée d'association entre les
contractants. Pour l'abbé Antoine, le contrat de travail n'est « ni contrat
de vente, ni contrat de société, ni contrat de louage [...], mais contrat de
collaboration, qui se ramène à une sorte de contrat d'association » et « tous
collaborent à une œuvre commune ». Il insiste : « Nous avons là une collaboration, une coopération à un effet commun, un contrat associationnel
[...], une sorte d'association, une société d'un genre particulier »25. Ce qui
doit évidemment se comprendre sur fond d'opposition des catholiques
sociaux à l'idée d'un irrémédiable antagonisme des classes. Ils croient, au
contraire, comme d'ailleurs la plupart des républicains, à la possible coexistence pacifique entre travail et capital, selon un modèle d'association déjà
inscrit, pensent-ils, dans la réalité des choses.
Cette réévaluation de la dimension personnelle du rapport de travail
a pour effet d'élargir considérablement le régime de responsabilité sous
la loi de justice du droit naturel. Dans le régime du contrat de louage, la
responsabilité de l'employeur se limitait à l'objet étroit du couple force de
travail/salaire. Dans la nouvelle perspective, elle s'étend au travailleur en
tant que détenteur de droits attachés non à sa fonction mais à sa personne et
condensés dans le « droit à l'existence » ou le « droit à la vie ». Mais de quelle
existence s'agit-il ? Quel est l'objet et l'étendue de la protection du salarié ?
3) La condition sine qua non de protection du travailleur
Même si dès l'origine la subordination vise à justifier l'application du
régime protecteur de la loi de 1898 sur les accidents du travail, elle est mal
reçue par le monde ouvrier, faute de contreparties tangibles. Il leur faudra
du temps pour prendre de l'épaisseur et rendre la subordination dans un
premier temps supportable et dans un second, après la seconde guerre
mondiale, désirable au sein de la société salariale.
Les catholiques sociaux ont puissamment contribué à cette acclimatation
par leur insistance sur la responsabilité patronale, une responsabilité morale
en attente d'un encadrement juridique. Car, comme y insiste Adéodat
Boissard, « le contrat de salariat est essentiellement un contrat d'exclusion
des risques, de sécurité et c'est là son grand mérite »26. Même conviction
chez l'abbé Antoine selon que « le salariat [...] exempte l'ouvrier de tous

24. « L'oeuvre de la législation du travail », op. cit., p. 204.
25. Ibid, p. 200.
26. boissard a., « Les exigences de la justice dans le contrat de travail », CR 1907, p. 138.
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