Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 199

LES CATHOLIQUES SOCIAUX ET LE DROIT DU TRAVAIL

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D'abord, que soit brisée l'image de fatalité de l'accident du travail, son
statut de tribut du progrès. Ce qui représente un complet retournement des
mentalités. De manière fort révélatrice, bien qu'acquis comme nous l'avons
vu à l'idée de prévention, Rostand n'en conclut pas moins son chapitre relatif
aux accidents du travail sur ces paroles équivoques : « Quand, par exemple,
les législateurs auront assuré le dédommagement pécuniaire des blessures,
l'ouvrier sera-t-il satisfait ? Oui, s'il comprend les lois du monde et les accepte
avec la même résignation que l'ouvrier intellectuel réduit à l'impuissance par
un mal physique ou l'innocent frappé par la douleur. Non, s'il rêve l'impossible, s'il laisse la haine, l'envie, pénétrer en lui, altérer sa vie. Il faut mettre
dans les institutions le plus que nous pourrons de justice et de solidarité ;
mais il faut que parallèlement les masses mettent dans leur conscience et leur
cœur la paix, le sens du devoir, la fraternité, l'acquiescement ». C'est dire
à quel point, même chez un homme éclairé, ouvert à l'idée de prévention,
l'esprit résiste encore à une conversion de la représentation de l'accident
toujours perçu comme un phénomène naturel de l'ordre du fatum appelant
« résignation » et « acquiescement ». Il faudra beaucoup de temps pour que
cette image cède le pas à celle de l'accident comme événement, à la fois
individuel et social, maîtrisable et, partant, évitable.
Ensuite, que le patronat prenne conscience de sa responsabilité en la
matière, ce que ne laisse guère supposer cette remarque datée de 1886
et, selon toute probabilité, symptomatique d'un état d'esprit dominant
d'élision ; « quand un accident d'enfant arrive dans une usine, l'industriel, pour ne pas être obligé d'améliorer son matériel, renvoie les enfants
qu'il occupait et nous dit carrément : maintenant, je ne suis tenu à aucune
amélioration de mon outillage ; que mes ouvriers se garantissent comme ils
l'entendent, c'est leur affaire, mais je n'ai plus à m'en occuper ».
Enfin, que le monde du travail se montre concerné par le problème,
ce qui est loin d'être établi avant les années 1920-1930. Il ne s'agit pas de
sa part d'indifférence à son propre sort - les congrès ouvriers et spécialement les congrès d'hygiène des travailleurs du début xxe siècle prouvent
le contraire -, mais d'un effet d'urgence reléguant ce pan de la vie ouvrière
loin au second plan après les questions de salaire et de durée du travail. S'y
ajoute la conviction qu'une amélioration des conditions de travail n'est,
sous le régime capitaliste, ni possible ni d'ailleurs souhaitable en raison du
fait de son potentiel démobilisateur.
Si la prévention a ainsi dû affronter de forts vents contraires, elle va trouver
un appui décisif dans le catholicisme social. Très tôt, en effet, ses tenants se
montrent acquis à cette intuition pionnière et pour plusieurs motifs.
Le premier dérive très directement du principe de respect et d'attention
dû au salarié et à sa famille et particulièrement face à un accident à réparer
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