Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 217

L'AUTONOMIE COLLECTIVE

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juridiques étatique d'un côté et non étatique de l'autre sont l'objet de
débats11. Mais c'est a priori admettre que des personnes ou groupes privés
- par exemple des organisations professionnelles (syndicales et patronales) - se proclament apte à créer des normes et à concevoir un dispositif
de règlement des disputes ; la juridicité de l'ensemble ne serait pas subordonnée à sa reconnaissance par l'ordre juridique étatique, mais puiserait sa
source de l'autonomie collective. La théorie pluraliste a par ailleurs servi à
saisir l'entreprise. Jean-Philippe Robé la décrit en effet comme un « ordre
juridique en soi (y domine un pouvoir unilatéral édictant les règles applicables aux salariés), autonome (les règles auto-définies en interne ne sont
pas intégrées au droit de l'État), en relation de concurrence et, simultanément, de coopération » avec l'ordre juridique étatique12.
Pour autant, cette théorie - explicative - convainc peu la doctrine
dominante pour qui les personnes et groupes privés n'ont la possibilité de
produire du droit qu'en vertu d'une délégation de l'État ou de sa réception
par ce dernier. En cela, cette doctrine admet la pluralité des sources du
droit (et non des ordres juridiques), dont la convention collective, tout en
restant dans le cadre d'une approche moniste dans la mesure où toutes ces
sources formelles trouveraient leur origine dans l'État. Aussi l'autonomie
collective désigne-t-elle la liberté des collectivités de travail (défendant
des intérêts collectifs variés) de s'auto-règlementer, à ceci près qu'elle est
nécessairement instituée par la loi qui en fixe au demeurant le cadre. La
mythification de la loi affadit le pluralisme lequel relèverait davantage de
la sociologie juridique ou « du discours dogmatico-doctrinal s'attachant à
décrire de manière ordonnée la teneur du droit positif, le commenter ou
le discuter »13.
Passons outre cette réticence doctrinale pour comprendre, cerner l'autonomie collective, et ce de façon réaliste. Ce faisant, avant de présenter notre
conception de cette notion (II), il convient d'ausculter les écrits d'auteurs
l'ayant étudiée, qu'ils soient sociologues du droit ou juristes (I). Chacun sait
que ces derniers, du moins dans l'hexagone, éprouvent souvent à l'égard des
premiers un mélange d'attirance et de crainte, très présentes dans les discussions qui ont eu lieu au tournant du xixe et du xxe siècle, jusqu'au moment
où la crainte l'emporte avec « le triomphe de la dogmatique juridique
11. beLLey J.-G., « Pluralisme juridique », in arnaud A.-J. et al. (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2e éd., LGDJ, 1993, p. 446 : il y aurait un régime
d'interactions non contrôlé en dernière instance par l'État, mais décentralisé entre les ordres
juridiques qui se rapporteraient les uns aux autres dans un mélange complexe, variable et
parfois chaotique d'autonomie et d'interdépendance. Sur la thèse de la relevance : romano s.,
L'ordinemento giuridico, publié en 1918, trad. L. François, P. Gothot, Dalloz, 1975.
12. robé J.-P., « L'ordre juridique de l'entreprise », Droits, 1997, p. 163.
13. Le Friant M. et Jeammaud a., « Une réforme constitutionnelle [...] », op. cit., p. 142.

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