Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 249

CONCLUSION

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l'autonomie est d'abord, comme le rappelle Anne-Sophie Chambost, celle
du droit du travail par rapport aux autres branches du droit, et en particulier
celle du droit civil. Et cette question est d'abord celle de l'autonomie des
juridictions. Contrairement à la situation allemande, l'autonomie des juridictions sociales françaises est faible, puisqu'elle ne concerne, et seulement au
premier degré, que les conseils des prud'hommes et les tribunaux des affaires
de sécurité sociale. Qui plus est, les conseils de prud'hommes ne jugent que
les différends individuels du travail, le reste du contentieux étant réparti
entre les juridictions des deux ordres juridictionnels.
Cette dispersion fait débat depuis très longtemps. Dans les années 1940
et 1950, des auteurs aussi importants que Paul Durand46 et Pierre Laroque47
avaient plaidé avec beaucoup de conviction pour l'unicité des juridictions
sociales, mais, malgré quelques piqûres de rappel, dues notamment à Yves
Saint-Jours48 et, de façon plus désabusée, à Alain Supiot49, cela restera
un vœu pieux. Aujourd'hui, cette question a disparu des radars, pourtant
éclairés, de la doctrine.
L'autonomie du droit du travail a cependant une deuxième acception,
celle du rôle des partenaires, acteurs ou interlocuteurs sociaux, comme l'on
voudra, dans la fabrication des normes. Au-delà des aspects proprement
juridiques évoqués plus haut, ce colloque, et notamment la contribution de
David Deroussin, a eu le grand mérite de mettre l'accent sur les différences
d'approche entre juristes et sociologues tout en redécouvrant à raison
l'importance des réflexions de Maxime Leroy50. Les premiers réfléchissent
en termes de sources du droit et constatent une évolution de la hiérarchie
des normes : à l'autonomie faible aurait succédé une autonomie forte. Ce
à quoi il faudrait ajouter une évolution propre à la négociation collective :
importance accrue des accords nationaux interprofessionnels et des accords
d'entreprise, au détriment des accords de branche. Les seconds insistent
plutôt sur l'idée que les faits précédent le droit. De fait, les syndicats ont
existé avant que la loi de 1884 ne vienne les autoriser et on aurait sans doute
tort de minimiser l'importance de phénomènes extra-légaux comme le label
46. durand P., « Le particularisme du droit du travail », Dr. soc., n° 8, septembre-octobre
1945, p. 298-303.
47. Laroque P., « Contentieux social et juridiction sociale », Dr. soc., 1954. 271 ; voir aussi,
du même auteur, « Pour l'institution d'une magistrature sociale », Dr. soc., n° 2, février 1958,
p. 118-120.
48. saint-Jours Y., Les perspectives d'un ordre juridictionnel social, Presses universitaires
de Perpignan, 1994.
49. suPiot A., « L'impossible réforme des juridictions sociales », Revue française des
affaires sociales, n° 1, 1993, p. 97-117.
50. Leroy M., La coutume ouvrière. Syndicats, bourses du travail, fédérations professionnelles, coopératives : doctrines et institutions, Giard et Brière, 1913, 2 vol., rééd. CNT
région parisienne, 2007.

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