Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 250

246

LA RÉCEPTION DU DROIT DU TRAVAIL

syndical hier ou la responsabilité sociale des entreprises aujourd'hui. On
ne saurait pour autant nier la fonction instituante, et même dogmatique,
du droit, qui imprime autant qu'il exprime51.

III - L'APPROCHE PAR LES ACTEURS
Penser l'histoire du droit du travail au prisme des acteurs qui interviennent dans son élaboration ou son application avait déjà fait l'objet d'un
colloque qui s'était tenu à Nantes en 200352. Les contributions réunies ici
adoptent un point de vue large en négligeant les plus évidents - le Parlement,
le gouvernement, les organisations professionnelles et syndicales53 - pour
focaliser principalement sur le rôle de la doctrine et accessoirement sur
celui du juge et de l'administration du travail.
Les travaux consacrés à la doctrine travailliste sont assez peu nombreux.
Quelques grandes figures comme Paul Durand54, Gérard Lyon-Caen55
ou Paul Pic56 ont déjà fait l'objet d'articles ou de notices de dictionnaires,
mais les écoles ou les courants de pensée n'ont pas suscité le même intérêt57.
C'est l'un des attraits de ce colloque que de se pencher sur les Semaines
sociales de France, haut-lieu de rassemblement des catholiques sociaux.
Marcel David avait déjà souligné l'influence de ces derniers et leurs convergences de vue avec les républicains sociaux, nonobstant leurs différences
irréductibles sur la question religieuse58. Jacques Le Goff poursuit dans
cette veine en réévaluant précisément l'influence de cette université itinérante que sont les Semaines sociales fondées dans le sillage de l'encyclique
Rerum novarum et insiste sur leur caractère « progressiste », à rebours de
l'ouvrage, au demeurant passionnant, dirigé par Christian Topalov, sur les
51. Sur ces débats, voir Legendre P., L'amour du censeur. Essai sur l'ordre dogmatique,
Seuil, 1974 ; SuPiot A., Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, Seuil,
2005 ; et le récent ouvrage de CommaiLLe J., À quoi nous sert le droit ?, Gallimard, 2015.
52. Les acteurs de l'histoire du droit du travail, Presses universitaires de Rennes, 2004.
53. À l'exception toutefois de Laurent Willemez.
54. « Paul Durand, théoricien du droit social », in Laurenson-rosaz C. (dir.), Mélanges
en l'honneur du Professeur Nicole Dockès, La mémoire du droit, 2014, p. 417-434 ; géa F.,
« À propos de Paul Durand... », Dr. soc., n° 6, juin 2015, p. 508-515.
55. « Gérard Lyon-Caen », Le Maitron : dictionnaire biographique : mouvement ouvrier,
mouvement social, de 1940 à mai 1968, volume VIII, Lem-Mel, Éditions de l'Atelier, 2012.
56. bayon D. et Frobert L., « Lois ouvrières et réformisme social dans l'œuvre de Paul
Pic (1862-1944) », Le Mouvement social, n° 201, 2002, p. 53-80.
57. Voir cependant Lormant F., « "L'école de Nancy" et le droit du travail », in
Lauranson C. et deroussin D. (dir.), Mélanges en l'honneur du Professeur Nicole Dockès,
op. cit.
58. Les fondements du social. De la IIIe République à l'heure actuelle, Anthropos, 1993.
Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels

Table des matières de la publication Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels
