Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 29

UNE ÉTAPE DANS LA RÉGLEMENTATION DU TRAVAIL

d'instruction sont, non pas les parents, mais les chefs d'établissements
employant les enfants29. Le préfet, déplorant la situation, l'explique par
plusieurs éléments sur lesquels le pouvoir n'a guère de prise. D'abord, le
défaut d'instruction découle d'un manque d'intérêt flagrant des parents à
cet égard, surtout lorsqu'ils sont ouvriers itinérants et que les déplacements
de village en village pour trouver un engagement entravent une scolarité
suivie30. Une profession semble en particulier touchée par cette situation,
dans le Châtillonnais, c'est celle de forgerons31, mais cela s'explique sans
doute par le fait que cette région est particulièrement riche en établissements métallurgiques d'envergure. Au demeurant, d'autres infractions sont
signalées dans des fayenceries. Par exemple, dans un rapport d'un ingénieur
des mines du 28 décembre 1868, on peut lire que « j'en ai éliminé [des
fayenceries] par la voie de la persuasion tous les enfants qui n'avaient pas
satisfait aux devoirs de l'école et de l'instruction religieuse, j'ai trouvé dans
nos faïenceries jusqu'à 20 et 22 et 24 enfants ne sachant ni lire ni écrire, j'ai
obtenu sans difficulté ce que la loi exige ou un devoir d'école, ou l'éloignement de ces enfants »32. Si les dispositions de la loi ne sont pas observées
à la lettre, c'est parce qu'il n'y a que peu, voire pas, d'inspection. L'article 10
établissait des inspecteurs devant s'assurer de l'observation du texte dans
chaque établissement33. Pourtant, et c'est un cri général, ces inspections ne

29. Lettre du ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, direction
du commerce intérieur, bureau de l'industrie au préfet de la Côte-d'Or, le 13 juin1865,
ADCO, 10 M 12 Travail des enfants.
30. Lettre du préfet de la Côte-d'Or, secrétariat-régime industriel, loi du 22 mars 1841 au
ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, le 23 mars 1866, ADCO,
10 M 12 Travail des enfants : « Toutefois, il faut reconnaître que sous ce double rapport, la
situation laisse à désirer principalement dans le châtillonnais... Cette dernière circonstance
tient d'abord à ce que les parents dans cette partie de la classe ouvrière, dépourvue le plus
souvent d'instruction, attachent peu d'importance à ce que leurs enfants fréquentent régulièrement l'école, et surtout à ce que, par leur goût pour les déplacements et les migrations
d'usines à usines, ils ne leur permettent pas d'acquérir des notions suffisamment étendues
pour pouvoir être utilisées dans l'avenir ».
31. Lettre du sous-préfet de Châtillon-sur-Seine, op. cit.
32. Rapport des ingénieurs des mines au préfet de la Côte-d'Or, le 28 décembre 1868,
ADCO, 10 M 12 Travail des enfants. L'analphabétisme ne semble pas être une spécificité
locale à en lire le docteur Thouvenin : « J'admets comme positif que sur vingt enfants [sic]
de huit à douze ans qui se présentent pour entrer dans les fabriques, seize au moins ne
savent pas lire, et parmi ceux de douze à seize ans, la moitié au moins ne sait pas lire » ;
Thouvenin D., « De l'influence que l'industrie exerce sur la santé des populations dans les
grands centres manufacturiers », op. cit., note 22, p. 100.
33. « Le gouvernement établira des inspections pour surveiller et assurer l'exécution de
la présente loi. Les inspecteurs pourront, dans chaque établissement, se faire représenter
les registres relatifs à l'exécution de la présente loi, les règlements intérieurs, les livres des
enfants et les enfants eux-mêmes ; ils pourront se faire accompagner par un médecin commis
par le préfet ou le sous-préfet ».

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