Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 34

LE TEMPS DE LA LOI

II - LA RECHERCHE D'UNE MEILLEURE PROTECTION
DE L'ENFANCE OUVRIÈRE
Trois hommes sont à l'origine de la loi qui devait améliorer la condition
des jeunes travailleurs : Anatole de Melun, Joubert et Eugène Tallon. La loi
du 19 mai concerne le travail des enfants et des filles mineures employés
dans l'industrie, c'est-à-dire et les individus masculins de moins de seize ans
et les individus féminins de moins de vingt et un ans. Pourquoi ce traitement
privilégié pour les femmes ? Tallon explique dans son Manuel pratique
pour l'application de la loi du 19 mai 1874 qu'« il est inutile d'insister sur
le sentiment moral qui a inspiré la prohibition du travail de nuit pour les
jeunes filles dans les usines et les manufactures. Cette prohibition s'impose,
à raison des dangers résultant de l'éloignement, des marches nocturnes, du
contact d'ouvriers nombreux »53. Autrement dit, il s'agit de préserver les
jeunes ouvrières de la corruption pouvant dériver de contacts fréquents
avec les travailleurs de l'autre sexe.
Cette législation ne concerne plus uniquement les ateliers employant
plus de vingt ouvriers, mais désormais tous les « manufactures, fabriques,
usines, mines, chantiers et ateliers » dans lesquels des enfants accomplissent
un « travail industriel »54. Le seuil d'admission est porté à douze ans, avec
toutefois une dérogation pour des industries qui seront fixées par des règlements d'administration publiques, lesquelles industries pourront embaucher
des enfants dès dix ans (article 2). Ces derniers ne pourront travailler plus de
six heures par jour et, à partir de douze ans, le temps de travail maximal est
fixé à douze heures par jour55, divisées par des repos (article 3)56. Le travail
qu'elles resteront chez elles à se soigner et à soigner leur enfant. Auparavant elles n'attendaient pas d'être complètement remises pour reprendre le travail. Il en résultait pour la mère
un affaiblissement général de la santé, des infirmités précoces, et pour l'enfant, abandonné
à des soins mercenaires, le rachitisme le plus souvent, quelquefois une mort prématurée ».
53. TaLLon E., Manuel pratique pour l'application de la loi du 19 mai 1874 sur le travail
des enfants et des filles mineurs employés dans l'industrie, Dunot, 1877, p. 35.
54. Article 1, « Loi sur le travail des enfants et des filles mineures employés dans l'industrie », JORF, lois et décrets, 3 juin1874, p. 3697. « La loi nouvelle a beaucoup de points
communs avec celle qu'elle remplace, mais elle en diffère essentiellement en ce qu'elle
fait cesser cette espèce de privilège dont jouissaient les ateliers dépourvus de moteurs
mécaniques, ou ne renfermant pas vingt personnes ; ces ateliers fort nombreux et n'étant
pas soumis à la loi, servaient souvent de refuge à beaucoup d'enfants qui quittaient les
fabriques importantes pour se soustraire à l'obligation d'aller à l'école, si bien que le nombre
total des jeunes travailleurs occupés dans ces conditions était relativement considérable »,
MauriCe G., Guide pratique de l'inspecteur du travail des enfants et des filles mineures
dans l'industrie, op. cit. note 8, p. 9.
55. TaLLon E., Manuel pratique pour l'application de la loi du 19 mai 1874 [...], op. cit.,
note 53, p. 25.
56. Ibid., p. 26.

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