Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 38

LE TEMPS DE LA LOI

des 52 établissements dans lesquels des enfants peuvent être embauchés,
mais sous conditions. Tel est le cas pour les ménageries, au sujet desquelles
le gouvernement précise : « Interdiction quand la ménagerie renferme des
bêtes féroces ou venimeuses »68. Ce texte est suivi d'autres qui le complètent
comme le décret du 2 mars 1877 arrêtant pour le travail dans les verreries
que « les enfants au-dessous de douze ans ne peuvent, dans les verreries,
être employés à cueillir le verre dans les creusets. Au-dessus de douze ans
jusqu'à quatorze ans, ils pourront cueillir un poids de verre moindre que
300 grammes »69. Le jour suivant, un décret rajoute une précaution supplémentaire : « Il est interdit, dans les établissements industriels qui ne sont
pas classés comme dangereux, insalubres et incommodes, d'employer des
enfants à la fabrication ou à la manipulation de matières explosibles ou de
matières toxiques dans des conditions qui seraient de nature à préjudicier
à la santé ou à menacer la sûreté des ouvriers ». Il rajoute un tableau C
contenant là encore une liste de treize établissements ou opérations pour
lesquels le recours aux enfants est interdit, comme le coupage des peaux
de lapin ou de lièvre en raison des poussières dégagées70. Ces textes très
protecteurs entrent sans doute en conflit avec les réalités du monde ouvrier ;
aussi, le 22 septembre 1879, un décret arrête deux nouveaux tableaux A
et B71. Dans le premier on ne trouve plus que quinze industries où le
travail des enfants est interdit et dans le second six établissements où le
travail des enfants est toléré sous conditions. Si dans le premier tableau
certaines entrées faisaient double emploi comme « acide muriatique (voir
acide chlorhydrique) » ou « blanc de plomb (voir céruse) », quid du « bleu
de prusse » pour lequel on trouve mentionné dans le tableau de 1877 les
« poussières nuisibles » ou encore les cendres gravelées qui présenteraient
un « danger d'explosion », les infirmeries de chiens qui exposeraient les
enfants à des « danger de morsures », la dorure et l'argenture sur métaux qui
n'était pas sans comporter un « danger d'empoisonnement dans le procédé
au mercure et des vapeurs délétères [par les] procédés aux acides » ? De
même, on constate dans le second tableau la disparition de nombreuses
entrées comme boyauderies, industrie pour laquelle le gouvernement avait
spécifié : « Interdiction du travail des enfants pour le soufflage : danger
d'affections pulmonaires ». Faut-il croire que les deux premiers tableaux
avaient été rendus obsolètes par le décret général du 3 mars 1877 ? On peut
en douter dans la mesure où de nouveaux tableaux n'auraient pas été nécessaires. Le gouvernement revoit donc ses ambitions à la baisse concernant
les établissements où le travail des enfants est, sinon interdit, du moins
68. JORF, 15 mai 1875, p. 3426-3427.
69. JORF, 7 mars 1877, p. 1730.
70. Ibid.
71. JORF, 24 septembre 1879, p. 9297-9298.

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