Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 44

LE TEMPS DE LA LOI

I - L'ADOPTION DE LA LOI DU 26 AVRIL 1917
La loi du 26 avril 1917 est précédée de nombreux débats, parfois houleux,
et de plusieurs propositions. La première en date, œuvre du député
Justin Godart, échoue malgré le soutien du gouvernement Briand (A).
L'économiste Étienne Antonelli s'inspire quant à lui du programme du
comité de la démocratie sociale13, dont il fut l'un des principaux artisans
lors de sa création en 1906, pour développer dans ses écrits une seconde
proposition. Dépourvue de caractère officiel, elle alimente cependant les
discussions autour du projet Chéron sur la SAPO (B).

A. La proposition Godart
Justin Godart propose le 17 mai 1909 l'adoption d'une loi relative à la
création d'un nouveau type d'actions, les « actions de jouissance du travail »,
qui prendraient place à côté des actions de capital. Par ce biais, le député
lyonnais nourrit l'espoir d'endiguer la multiplication des conflits de travail
qui, regrette-t-il, prennent trop souvent la forme de grèves. Il imagine en
effet que, à l'avenir, ces actions seront de nature à garantir la « paix sociale »,
sans laquelle il ne peut y avoir de prospérité générale, car elles ont vocation
à (ré)concilier le capital et le travail en intéressant le second à la vie de
l'entreprise. Justin Godart entend par ailleurs concrétiser un idéal cher
aux républicains, celui de parvenir à la justice sociale. La vieille formule
romaine, « attribuer à chacun ce qui lui est dû », impose selon lui, dans une
société industrielle où domine le régime du salariat, que les travailleurs
obtiennent enfin « plus que le salaire »14.
D'un point de vue technique, l'auteur de la proposition prend acte que, en
raison de son caractère facultatif, la participation aux bénéfices est un échec.
Il envisage par conséquent de rendre obligatoire la constitution d'un fonds
de réserve formé à partir des bénéfices réalisés et d'affecter une partie de
ces économies à l'amortissement des actions. Plus précisément, l'article 72
de la proposition prévoit que toutes les sociétés anonymes et les sociétés en
commandite par actions, à l'exclusion des sociétés à capital variable, auront
l'obligation de prélever un dixième de leurs bénéfices nets. Une moitié de ce
13. Sur ce comité, voir Frobert L., « L'économie politique d'Étienne Antonelli (18791971) », Revue économique, 1997, vol. 48, p. 1531 ; T. hohL, « "Quel plat réformisme !".
Étude sur une catégorie incertaine », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, 2008,
vol. 103, p. 41-54 ; J. Wright, « Social Reform, State Reform, and Aristide Briand's Moment
of Hope in France, 1909-1910 », French historical studies, 2005, vol. 28-1, p. 44.
14. « Chambre des députés (séance du 17 mai 1909). Proposition de loi tendant à créer
des actions de jouissance du travail présentée par M. Justin Godart, député », Bulletin de
la participation aux bénéfices, 1909, t. 31, p. 200.

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