Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 54

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LE TEMPS DE LA LOI

B. L'indifférence de la pratique
En plus de l'exonération du droit de timbre des actions du travail, la loi
du 26 avril 1917 prévoit (article 80) que les dividendes afférents auxdites
actions ne sont pas, dans certaines circonstances, soumises à l'impôt sur
le revenu des valeurs mobilières61. Elle transpose aussi, au bénéfice des
SAPO, l'ensemble des avantages accordés aux SCOP en ce qui concerne
les adjudications et soumissions de travaux publics. De nature incitative,
ces faveurs fiscales devaient garantir la réussite du dispositif dans l'esprit
de ses défenseurs. Elles n'ont pas eu l'effet escompté62. La doctrine dresse
en effet un constat unanime : très peu d'entreprises ont opté pour cette
forme sociale. À l'échelle nationale, leur nombre serait même résiduel au
vu de l'ensemble des sociétés enregistrées. Ainsi, Lyon-Caen et Renault
ne dénombrent, en 1926, qu'une quinzaine de sociétés constituées sur
le modèle de la SAPO63. Ils ajoutent par ailleurs que, depuis cette date,
certaines ont déjà quitté cette forme64.
Pour comprendre cet échec, les uns mettent l'accent sur le comportement
des milieux patronaux, les autres sur celui des salariés. Pic par exemple
fait valoir que les chambres de commerce se font l'écho des réticences
des industriels65 ; celle de Paris s'était d'ailleurs montrée hostile au projet
capital (merLe P., Droit commercial. Sociétés commerciales, Dalloz, 2014, 17e éd.). Seuls
Michel Germain et Véronique Magnier, parce qu'ils sont les continuateurs du traité de
Ripert et Joblot, expliquent le fonctionnement de la SAPO. Ils font cependant remarquer,
à l'instar de leurs prédécesseurs, que la « loi établit [...], au point de vue technique, une
organisation complexe et, dans un souci d'équité, complique étrangement l'administration de la société » (germain M. et magnier V., Traité de droit des affaires. Les sociétés
commerciales, LGDJ, 2014, 2e éd.).
61. Le nombre des actions de travail devait alors être au moins égal au quart du nombre
des actions de capital pour bénéficier d'une telle exonération.
62. LaCour L., Précis de droit commercial, Dalloz, 1931, 4e éd., p. 193.
63. Il s'agirait des Grands Moulins (à Paris), de la Société des produits agglomérés (à Paris),
des usines et fonderies de Quimperlé (à Paris), des entreprises basques à Secva (à Libourne),
du syndicat transatlantique (à Montfleur), du Ciment du Nord et du Nord-Est de la France
et de la Belgique, du Petit Troyen (à Troyes), des Grands Moulins de Nogent-sur-Seine,
de la verrière du Roannais (à Roanne), de la société anonyme les ateliers de construction
Trimhit (à Lunéville), de l'établissement Louis Pions et compagnie (à Roubaix), des Grands
Moulins de la Loire (à Nantes), de la manufacture du transformateur Ferris (à Nice) et,
enfin, de la société de l'École libre de Sévigné (à Paris) (Lyon-Caen C. et renauLt L.,
Manuel de droit commercial, LGDJ, 1928, 15e éd., p. 364).
64. C'est le cas par exemple des Grands Moulins de Paris (Lyon-Caen C. et renauLt L.,
Traité [...], op. cit., p. 840).
65. PiC P., Traité général théorique et pratique de droit commercial, op. cit., p. 596. François
Fagnot rapporte cependant que le président de la fédération nationale du bâtiment et des
travaux publics de France a recommandé aux SA d'attribuer volontairement une partie du
capital à leur personnel ouvrier (Fagnot F., La part du travail dans la gestion des entreprises, F. Alcan, 1919, p. 56).
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