Contextes - Pratique(s) et enseignement du droit - 299

POuR uNe FORMAtION JuRIDIque INteRDISCIPLINAIRe

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Aux sollicitations - particulièrement fortes ces dernières années - qui
viennent de certains milieux professionnels et politiques, visant à donner
une empreinte professionnalisante aux études juridiques, voire à « remettre
la faculté de droit au service de la profession d'avocat »57, on peut répondre
que ce n'est pas le rôle de l'université, mais des écoles professionnelles et
d'application successives, de « fournir immédiatement des compétences
professionnelles spécifiques ». Le rôle propre des universités est « de produire
des esprits scientifiquement éduqués et capables d'acquérir et de modifier
ces compétences professionnelles : ce qui est, par ailleurs, la seule manière
de procurer les compétences professionnelles nécessaires pour les différents
métiers d'aujourd'hui et de l'avenir, puisqu'il n'est pas possible de couvrir,
dans l'enseignement, la gamme trop vaste des compétences spécifiques et
de prévoir avec certitude les compétences professionnelles que les transformations sociales requerront d'ici quelques années ». Vu la vitesse des
transformations du droit et de la société, des bons praticiens « finiraient
par être bientôt en retard sur leur temps et ne seraient même plus des bons
praticiens ; que des juristes éduqués à la fois à la rigueur et à l'ouverture,
l'adaptabilité et l'élasticité de la science pourront [...] faire face aux tâches
que le temps leur impose »58.
À ces mots écrits par uberto Scarpelli en 1968, on peut ajouter que
la plupart de ceux qui voudraient transformer les facultés de droit en
écoles professionnelles présupposent une conception instrumentale (et
donc moderne) du droit ("a means rather than an end, a tool for solving
problems")59, ce qui les amène à réduire la pratique juridique "to a kind of
burocratic process" et l'enseignement du droit "to a training in skills and
to the acquisition of information"60. Or, une formation au droit qui soit
cohérente avec la nature pratique du savoir juridique (dans le sens aristotélicien que nous avons vu) et qui soit à la hauteur des défis et des demandes
que la société d'aujourd'hui pose aux juristes des universités et aux professionnels du droit, devrait être conçue d'une manière différente. Comme le
dit James Boyd White dans un article en réponse à un texte du juge et enseignant Harry t. edwards, intitulé The Growing Disjunction between Legal
57. t. Wickers, « Remettre la faculté de droit au service de la profession d'avocat », Gaz.
Pal., sept.-oct. 2012, p. 2642-2647.
58. u. Scarpelli, « L'educazione del giurista », Rivista di diritto processuale, 1968, p. 23.
Dans une perspective similaire v. les remarques sur les « attentes des praticiens » de C. Jamin,
La cuisine du droit, op. cit., p. 125 et s.
59. Ainsi l'éditorial du 25 nov. 2011 du New York Times, intitulé Legal Education Reform,
qui, suite à la crise économique a laissé "many recent law graduates saddled with crushing
student loans and bleak job prospects", plaidait pour une formation juridique « more practice
oriented ». V. infra la réponse de B. Ackerman.
60. J.-B. White, "Law teachers Writing", Michigan Law Review, vol. 91, n° 8, 1993,
p. 1972.

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