Contextes - Pratique(s) et enseignement du droit - 377

eNSeIGNeR Le DROIt et FORMeR AuX MÉtIeRS Du DROIt 373

professeur Jean-Jacques Sueur, gagne l'ensemble de la société3. L'université
n'est donc pas épargnée, à qui l'on demande désormais d'être plus efficace
et de transmettre le savoir mais également le savoir-faire. Il faut cependant
ne pas perdre de vue qu'avant tout, l'université est là (aussi) pour former
les esprits à se poser les bonnes questions, à raisonner, à critiquer.
Les études de droit sont en question ici et ailleurs4. Les études en
général sont au cœur de la réflexion. Car l'étudiant a changé. « Petit
poucet », « Petite poucette », comme les a baptisés Michel Serres5. Nouvelle
génération pour qui le savoir est externalisé, partout et toujours accessible.
« Le professeur n'a plus le monopole du savoir », comme l'a rappelé Mathias
Latina. Plusieurs phénomènes ont été abordés lors de ce colloque : massification des effectifs (plus de 200 000 étudiants inscrits en France en droit
chaque année), diversification du public (différence notamment en termes
de niveaux), réalités économiques, développement des nouvelles technologies, complexification du droit, multiplication des sources de pouvoirs
normatifs, globalisation du droit, pluridisciplinarité...
tout cela implique de repenser l'enseignement du droit que d'aucuns
jugent suranné. Pour convaincre, certains n'hésitent pas à caricaturer la
formule défendue par l'autre. Ainsi Sciences Po et son École de droit cristallisent peu ou prou l'« autre » façon d'enseigner le droit et de former les
juristes. L'universitaire titulaire dans une faculté de droit, qui plus est de
province, sourira, un peu agacé que ceux qui sélectionnent leurs étudiants
et disposent de moyens financiers importants en adéquation avec les frais
de scolarité viennent donner la leçon à ceux qui, malgré tout l'enthousiasme et la créativité dont ils pourraient être doués, se heurtent chaque
jour aux difficultés matérielles et à la masse estudiantine peu motivée des
premières années. Néanmoins, il sera aussi conscient de la nécessité qu'il
y a de s'interroger sur sa propre vision de l'enseignement et de renouveler
cet enseignement à l'université.
et pourtant, en majorité, le cours magistral reste de mise, l'interactivité en est encore à ses balbutiements. Certes, s'observent les initiatives
personnelles de certains enseignants dans leurs cours ou à travers les M2
professionnels dont ils ont la responsabilité, mais les décideurs du sort de
l'université ne semblent pas prendre la mesure des besoins. Le « recours
3. J.-J. Sueur, « Vive l'université, quand même ! », D. 2012, p. 451 et s. : « L'idéologie
productiviste est si profondément ancrée dans les esprits que nul ne songe à contester cette
équation faussement simple qui sous-tend pourtant tous les discours officiels : ce qui est bon
pour l'entreprise est bon pour la société dans son ensemble, et comme l'Université est le
miroir de la société... ».
4. Les États-unis, souvent cités en exemple sont également en pleine « crise » de leur
formation juridique, cf. infra.
5. M. Serres, Petite Poucette, Paris, Le Pommier, 2012.

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