Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ? - 183

LES BIENS

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évoquer ici les qualifications de biens consomptibles et non-consomptibles.
Pour le civiliste, la consomptibilité est la destruction de la chose par l'usage
que l'on en fait. Pour l'environnementaliste, la consomptibilité est une
consommation consistant en une transformation de la nature physique
et chimique d'un bien le rendant impropre au même usage. Dans cette
conception, l'eau, l'air, les terres arables sont des biens consomptibles26.
L'intérêt de cette qualification est que ceux qui les utilisent doivent les
restituer, en nature ou en valeur, dans le même état que celui dans lequel
ils les ont eus à disposition.
On a le sentiment que le droit de l'environnement développe des qualifications parallèles à celles du droit civil. La raison tient à la différence de
philosophie qui irrigue les deux droits. Le droit civil prend en compte la
valeur économique des biens, alors que le droit de l'environnement est plus
sensible à leur valeur écologique. Cette différence d'approche commande, si
ce n'est une rénovation, du moins une modernisation des qualifications du
droit des biens27. De nombreuses propositions concurrentes, dans lesquelles
le droit de l'environnement et les inquiétudes écologiques seraient plus à
leur aise, sont déjà avancées : distinguer la matière vivante de la matière
inerte, distinguer les biens propres à un individu et ceux destinés à la
communauté, distinguer les biens objectifs dépourvus de tout investissement affectif et les biens à teneur subjective28, distinguer les biens naturels
et les biens artificiels29.
La métamorphose des distinctions et des classifications ébranle donc en
profondeur le droit privé des biens. Mais le séisme atteindra son intensité
maximale lorsque le civiliste prendra conscience que le droit de l'environnement conduit à la métamorphose du droit de propriété.

26. Voir par exemple L. 112-1-1° du Code rural issu de L. 13 oct. 2014 sur l'agriculture :
« L'observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers élabore des outils pertinents pour
mesurer le changement de destination des espaces naturels, forestiers et à vocation ou à usage
agricole. Il évalue, en coopération avec les observatoires régionaux des espaces naturels,
agricoles et forestiers, la consommation de ces espaces et apporte son appui méthodologique
aux collectivités territoriales et aux commissions prévues à l'article L. 112-1-1 pour l'analyse
de la consommation desdits espaces ».
27. Rey-Boutenchouf ; Voir aussi M.-L. Demeester et L. Neyret, « Environnement »,
Rép. Dalloz, n° 27 qui identifient une voie « minimaliste », plus respectueuse du Code civil,
mais inadaptée aux objectifs du droit de l'environnement.
28. R. Libchaber, « La recodification du droit des biens, Le Code civil 1804-2004 », Livre
du bicentenaire, Dalloz-Litec, p. 297, spéc. n° 35.
29. M.-J. del Rey-Bouchentout, « Les biens naturels », D. 2004, p. 1615 ; Adde sa thèse,
« Droit des biens et droit de l'environnement », Thèse Paris I, 2002.

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