Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ? - 193

LA QUESTION DES BIENS

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d'entreprendre, du commerce et de l'industrie auxquels ils sont puissamment
reliés, fut façonné d'une certaine manière par l'histoire, le contexte des
deux cents ans qui ont suivi le « moment 1789 » a profondément modifié
la donne. D'une part, le fait semble généralement admis, la production de
biens matériels a été multipliée dans d'incroyables proportions ces deux
derniers siècles, du fait de plusieurs phénomènes complexes et articulés,
parmi lesquels les Révolutions industrielle et technologique ou la spectaculaire internationalisation des systèmes de production, de distribution, de
consommation des biens matériels (une part de ce qu'on nomme parfois
la globalisation, la mondialisation ou l'internationalisation des échanges).
Ces mouvements se sont déployés en lien, ce qui n'est pas plus neutre, avec
la démographie : on retiendra ainsi que lors de la parution du Code civil
(nous choisissons 1804 à dessein, puisqu'il a à bien des égards cristallisé
et servi de socle à une certaine conception du droit civil des biens), nous
étions environ un milliard d'êtres humains sur terre, quand les projections
hautes des démographes actuels tablent sur une multiplication par près de
dix d'ici à 205014. À cet accroissement spectaculaire de la quantité des sujets
juridiques potentiellement producteurs, transformateurs, distributeurs,
consommateurs, détenteurs (etc.) de biens matériels fait écho l'incroyable (et
à certains égards étonnante) variété des biens matériels désormais produits :
les sociétés de consommation puis du gaspillage15 aidant, les garennes et
colombiers du Code civil semblent avoir pris comme un « coup de vieux »
aujourd'hui. Mais toujours du point de vue de la modification des conditions ayant présidé à la construction juridique de nos relations aux biens,
d'autres éléments paraissent notables, qui d'ailleurs jettent une autre lumière
sur notre affaire : l'exigence de protection de l'environnement (la sensibilité
à l'environnement) s'est en effet manifestée de manière croissante (et non
linéaire) dans le corps social puis dans les textes juridiques tant internationaux qu'européens et nationaux trop nombreux pour qu'on les cite ici, de
plus en plus régulièrement associée à des perspectives intégrant d'ailleurs la
santé publique (peut-être l'une des manifestations théoriquement et historiquement les plus énergiques de ce qu'a vocation à engendrer une vision
de l'intérêt général). Cette « prise de conscience écologique » doit d'ailleurs
certainement être mise en lien avec le constat croissant, alimenté par nombre
d'études scientifiques, d'un état de la planète et des ressources naturelles très
préoccupant16. Autrement dit, diverses évolutions semblent avoir convergé
pour non pas rendre obsolètes les visions historiques du droit de propriété
(différemment publique et privée d'ailleurs) mais inviter à en reconsidérer
14. On trouvera sur le site de l'Institut national des Études démographiques de précieuses
informations (https://www.ined.fr).
15. On lira par exemple A. Derambarsh, Manifeste contre le gaspillage, Fayard, 2015.
16. Pour quelques données précises, voir http://www.syti.net/EtatPlanete.html

https://www.ined.fr http://www.syti.net/EtatPlanete.html

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