Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ? - 196

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LES TECHNIQUES

négociants, transformateurs, intermédiaires, etc.). Cette complexité ici
rappelée et finalement quotidiennement présente est à elle seule un défi
pour le droit. Elle remet d'ailleurs en perspective la montée en puissance,
à laquelle on assiste depuis quelques années, des exigences d'information
et de traçabilité concernant les produits, les objets, les sites et sols, etc.,
en droit des biens comme en droit de l'environnement. Il nous faut donc
insister, au titre des transformations du contexte ou du cadre, sur le fait
basique suivant : aucune production, aucun déplacement ni aucune acquisition d'un bien mobilier ne sont réalisés « hors sol ». Ils croisent d'autres
biens, communs, collectifs, publics, au point qu'il n'y a pas davantage
d'étanchéité imaginable entre ces biens mobiliers et l'environnement qu'il
pourrait y en avoir entre les propriétés foncières (privées ou publiques)
du point de vue des continuités écologiques21. Si le constat est un défi
redoutable pour le droit, il n'est pourtant pas compliqué de saisir qu'au
« continuum insécable » de l'environnement (de la communauté biotique)
fait écho l'extrême complexité d'un autre continuum que le droit, lui,
s'emploie à ou devrait faire l'effort de segmenter, catégoriser et rationaliser... : biens immobiliers privés jouxtant ou enchâssées dans des propriétés
publiques, biens mobiliers privés impensables sans l'usage de biens
collectifs, etc. L'idée, qui ne doit évidemment pas faire craindre un collectivisme d'arrière-garde, invite avant tout au constat que nous sommes sur
une seule et unique planète, ontologiquement commune dans sa matérialité
constitutive, de laquelle sont extraits l'ensemble des ressources puis tous
les biens matériels que le droit se charge de qualifier. La fabrication ou
l'utilisation d'un bien matériel appropriable ne se déroule en effet jamais
abstraitement mais toujours à partir de matériaux et « en contexte », à partir
d'éléments et d'un espace-temps qui empruntent nécessairement les voies,
les chemins et éléments de biens communs (l'air, l'eau, l'atmosphère, etc.),
ou de biens collectifs, relevant d'un patrimoine public ou commun... On
relèvera ici, de manière plus technique et dans un contexte un peu différent
mais partiellement lié à nos préoccupations, l'intérêt de notions comme
celles de « cumul d'incidences »22 ou de « sensibilité du milieu »23, importantes en droit des installations classées en France aujourd'hui mais pour
21. Cette « dynamique des biens » (je crois sincèrement qu'elle seule nous permettra d'avoir
une approche globale du problème) se prolonge donc à travers la considération suivante :
aucune production, distribution, consommation d'un bien matériel ne s'opère en vase clos
ou hors-sol : sont en effet toujours mobilisés voire impactés, dans la fabrique des biens
matériels, à la fois des biens privatifs et des biens et réseaux collectifs ou publics (l'air, l'eau,
tel matériau, les voies de communication, etc.).
22. Sur cette notion, on renverra aux articles L. 512-7-2 et R. 122-20 du Code de
l'environnement.
23. Sur cette notion, voir par exemple, dans le Code de l'environnement, les articles R. 211-6,
R. 122-4, 5, 14 et 19, L. 122-4 et L. 512-7-2.

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