Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ? - 197

LA QUESTION DES BIENS

193

l'heure encore sous-exploitées, pour déterminer une capacité physique
ou écologique d'absorption, par un milieu récepteur donné, des activités
productrices de biens.

B. Introduire de nouveaux rapports
Un autre aspect mérite d'être également d'être pointé, qui tient au fait que
la présentation des relations entre biens et environnement ne saurait être,
aujourd'hui, réduite à un jeu d'opposition frontale (par renvoi implicite à
l'idée, désormais peu défendable, selon laquelle ce à quoi seraient attachés
les biens, à savoir différents droits et libertés, ne pourrait que heurter ou
être télescopé par l'exigence de protection de l'environnement). D'abord
parce qu'en modifiant la perspective qui était la nôtre, on remarque que
de très nombreux éléments au cœur des objectifs de protection auxquels
renvoie le droit de l'environnement sont aussi des biens. Pour l'exprimer
autrement, entre biens meubles et immeubles, publics et privés, nous
sommes en présence de catégories qui recouvrent d'une plus ou moins
fine pellicule juridique, sous l'angle d'une appropriation, la presque totalité,
en un continuum variable, des éléments physiques dont le Code de l'environnement, nous l'avons dit, revendique par ailleurs la préservation24. Et
assez curieusement d'ailleurs, remarquons que les mêmes biens font l'objet,
finalement, d'une insertion et d'une qualification aux implications incertaines : les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages,
les espèces animales et végétales notamment font partie du patrimoine
commun de la nation, alors qu'ils sont par ailleurs tous privativement ou
publiquement appropriés. Chacun de ces éléments, en effet, se manifeste et
se concrétise lui-même à travers des biens qui, privés, publics, communs,
font partie d'un ensemble dont la vocation est, selon les objectifs du Code
de l'environnement même, d'être protégé. On pourrait d'ailleurs prolonger
la réflexion à partir de l'idée selon laquelle certaines « choses » peuvent être
simultanément qualifiées de « biens » et d'une autre manière, ce qui est par
exemple le cas des animaux, protégés par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme à deux niveaux : en tant que biens d'une
part et en tant qu'êtres vivants d'autre part25, êtres par ailleurs depuis peu
réputés doués de sensibilité par le Code civil français lui-même26.
24. Article L. 110-1 I du Code de l'environnement.
25. CEDH, 26 juin 2012, Herrmann contre Allemagne, req. n° 9300/07.
26. La codification relativement récente de cette disposition (l'article 2 de la loi du 16 févr.
2015) en ouverture du livre II du Code civil (article 515-14) ne peut pas ne pas avoir d'effets
restrictifs sur la liberté d'user, de jouir et d'aliéner du propriétaire : « Les animaux sont des
êtres vivants doués de sensibilité ».

Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ?

Table des matières de la publication Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ?