Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ? - 23

OSER LA PENSÉE COMPLEXE ; L'EXEMPLE DES « COMMUNS »

contrat « d'un droit réel de jouissance spéciale » consenti par un propriétaire
à une fondation à objet culturel (figure reconnue par un arrêt de la Cour de
cassation du 30 octobre 2012), en sont des exemples, parmi bien d'autres29.
Deux mots d'ordre pour conclure : assumer la complexité, revenir au
politique.
1. Il serait tentant de soutenir que les régimes des biens communs se
développent comme une troisième voie entre des logiques privatistes
et publicistes qui ne disparaissent pas pour autant. Mais « assumer la
complexité » demande sans doute d'aller plus loin : plutôt que de parler de
« troisième voie », qui suggère encore une configuration statique entre deux
positions traditionnelles qui resteraient inchangées, il faut plutôt concevoir
ces « communs », comme un « méta-régime » qui a pour effet de se superposer à la propriété privée et au domaine public pour en infléchir les règles
et en enchevêtrer les solutions. Loin d'opérer dans un vide réglementaire,
et sans recours aux instruments du droit privé, les figures de la transpropriation ne cessent de s'articuler à elles, non sans infléchir leurs procédures
et leurs principes constitutifs.
2. Il faut toujours en revenir au politique. Il est en effet illusoire de
penser qu'un modèle juridique, aussi bien pensé soit-il, serait en mesure
de modifier le cours des réalités s'il n'était soutenu par un fort engagement
politique. Cela est vrai pour les pratiques créatives à la base des formules
de dépropriation. Mais cela se vérifie également pour toutes les formes
de gestion participative qui donnent vie et forme aux « communs » transpropriés. Et cela se vérifie encore, évidemment, pour la nature de la
gouvernance qu'exercent les pouvoirs publics sur les choses qui sont sous
leur juridiction : ou gestion affairiste, à la limite de la corruption, ou souci
renouvelé de l'intérêt général. Est politique encore - au sens noble de
souci de bonne gestion des affaires publiques -, le contrôle qu'exercent
les cours et tribunaux sur la régularité de la mise en œuvre de tous ces
modèles. Et ce n'est pas un des moindres défis des temps à venir que de
réaliser combien ces différents enjeux politiques se déclinent désormais sur
plusieurs échelles, du plus local (c'est au niveau de la municipalité que les
citoyens s'impliquent le plus facilement) au plus global30.

29. Cf. les très nombreuses pistes étudiées dans le rapport : Droits réels au profit de la
biodiversité : comment le droit peut-il contribuer à la mise en œuvre des paiements pour
services environnementaux ?, Paris, 2014, Mission économie de la biodiversité.
30. Sur la nécessité d'une conception « polycentrique » de la gouvernance des communs,
cf. Ch. HESS, « Communs de la connaissance, communs globaux et connaissance des
communs », in Le retour des communs, op. cit., p. 267.

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