Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ? - 35

LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION

accompagnées d'un dispositif de surveillance permettant de les réévaluer
sinon de manière continue, au moins avec une périodicité suffisante.
Est-ce à dire, toutefois, que ces mesures provisoires aient des effets
nécessairement limités dans le temps ? Le Conseil constitutionnel semble
l'exclure et considérer que des mesures de police d'effet indéterminé dans
le temps ne peuvent procéder d'une démarche de précaution11. Cette
solution ne paraît pas pertinente dans la mesure où peuvent être justifiées
des mesures d'interdiction d'application illimitée dans le temps si l'importance du risque l'exige et ceci aussi longtemps que les doutes scientifiques
n'auront pas été levés.
2. De manière plus classique par rapport à la théorie de la police administrative, les mesures de sauvegarde adoptées sur le fondement du principe
de précaution doivent être proportionnées et non discriminatoires. Elles
ne doivent pas dépasser « les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la
réalisation des objectifs poursuivis », à savoir, en l'hypothèse, la prévention
du risque identifié en tenant compte non seulement de son importance
éventuelle mais aussi de son degré d'incertitude12. Le Code de l'environnement précise, en outre que ce doit être « à un coût économiquement
acceptable ». La Cour de justice précise, pour sa part, que lorsqu'existe
un choix entre plusieurs mesures, il est légitime de choisir la moins
contraignante.
Ce principe de proportionnalité étant considéré comme un principe
général du droit de l'Union européenne, il faut s'interroger sur la possibilité pour le législateur d'aller au-delà. La tentation existe comme
l'illustre la loi n° 2015-136 du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la
transparence, à l'information et à la concertation en matière d'exposition
aux ondes électromagnétiques. Ce texte relatif au contrôle de l'implantation des antennes-relais radioélectriques concerne un domaine où est
fréquemment invoqué le principe de précaution compte tenu des incertitudes qui demeurent sur les effets sur la santé humaine des rayonnements
émis. Pour tenir compte de l'ampleur du contentieux qui se développe
dans ce domaine, la loi du 9 février 2015, s'inspirant du principe ALARA,
acronyme anglophone de « As Low As Reasonably Achievable » (« aussi
bas que raisonnablement possible »), projette d'imposer aux opérateurs de
télécommunications le respect d'un nouveau principe dit de sobriété. C'est
aller bien au-delà de ce qu'exige le principe de précaution en ce sens que les
autorités publiques seraient ainsi invitées à fixer des contraintes excédant
nettement ce qui paraissait nécessaire pour prévenir un risque non avéré.
11. C. Const. n° 2014-694 DC du 28 mai 2014 à propos de la loi relative à l'interdiction
de la mise en culture des maïs OGM.
12. CJUE 8 juill. 2010, Afton Chemical, C 343/O9 point 45.

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